dimanche 28 janvier 2018

La pédopsychiatrie, un secteur sinistré

Certains patients doivent attendre jusqu’à un an pour obtenir un premier rendez-vous.

LE MONDE  | Par 


A l’hôpital Jeanne de Flandre, à Lille.
A l’hôpital Jeanne de Flandre, à Lille. PHILIPPE HUGUEN / AFP


Du côté des jeunes patients, des délais d’attente inadmissibles pour une première consultation et un manque de lits d’hospitalisation. Du côté des pédopsychiatres, une crise démographique et universitaire, qui rend la spécialité de moins en moins attrayante. La psychiatrie des enfants et des adolescents est « sinistrée », selon le sénateur (La République en marche) et médecin Michel Amiel, rapporteur en mai 2017 d’un volumineux rapport d’information parlementaire sur la psychiatrie des mineurs  en France.

Le repérage et la prise en charge précoce des troubles psy des jeunes sont considérés comme une priorité. Mais au regard de la forte hausse des besoins due notamment au décrochage scolaire, au harcèlement ou aux traumatismes liés aux attentats, « le nombre de structures, le nombre de structures de prise en charge et leurs effectifs ont très peu augmenté », constate ce rapport. Les CMP (centres médico-psychologiques) et CMPP (centres médico-psychopédagogiques), bien souvent structures d’entrée dans le parcours de soins psychiatriques, sont engorgés. Le délai pour une première consultation dépasse un an dans certains départements, désespérant familles et professionnels. « On a des demandes de 2016 auxquelles on n’a pas répondu. On a honte. On voit tous les dégâts qu’on aurait pu éviter, les souffrances qu’on aurait pu atténuer », témoigne une pédopsychiatre exerçant dans un CMP de province.

Le nombre de lits d’hospitalisation en pédopsychiatrie est en augmentation depuis 2001, mais les capacités sont encore trop limitées, avec de fortes inégalités territoriales, souligne le rapport. Le délai d’obtention d’une place en hôpital de jour – l’essentiel des prises en charge hospitalières des mineurs – est lui aussi jugé important.


Désaffection indéniable


Quant au nombre de pédopsychiatres inscrits en tant que tels au conseil de l’ordre des médecins, il a été divisé par deux en dix ans. De 1 235 en 2007, il est passé à 593 en 2017, dont 80 % ont plus de 60 ans. Certes, ces chiffres sont à prendre avec précaution, car le dénombrement précis de ces praticiens est complexe, la pédopsychiatrie n’étant pas une spécialité médicale distincte de la psychiatrie. Mais la désaffection est indéniable, et contribue à un cercle vicieux. Moins il y a de pédopsychiatres, moins il y a de formateurs et donc de nouvelles vocations.

En France, une faculté de médecine sur cinq n’a pas de professeur d’université en pédopsychiatrie. « A Nantes, je suis le seul enseignant universitaire de psychiatrie de l’enfant pour la soixantaine d’internes en psychiatrie. Comment les former convenablement et quelle perspective de carrière académique puis-je proposer aux jeunes qui voudraient travailler avec moi ? », s’interroge le professeur Olivier Bonnot, chef du service de pédopsychiatrie du CHU. « Le constat est connu, la solution aussi, mais on reste souvent dans l’injonction paradoxale, regrette le pédopsychiatre et chercheur Bruno Falissard. Les politiques demandent de nommer un professeur de pédopsychiatrie dans chaque université, mais celles-ci sont autonomes, ce sont elles qui jugent si le cursus d’un candidat est suffisant. »


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire