vendredi 15 décembre 2017

Une étude lilloise dévoile les difficultés des entreprises à aborder le handicap psychique


Le centre de ressources sur le handicap psychique (Crehpsy) Nord-Pas-de-Calais a organisé sa journée d'échanges consacrée à l'emploi. Le sociologue Yann Le Lann a présenté les résultats d'une étude réalisée auprès des services des ressources humaines qui démontre que le handicap psychique est celui qui effraie le plus les entreprises.

À l'occasion de la journée d'échanges, organisée à Lille (Nord) ce 13 décembre, par le centre de ressources sur le handicap psychique (Crehpsy) Nord-Pas-de-Calais, le sociologue Yann Le Lann a évoqué les principaux enseignements de l'étude sur la vision du handicap psychique par les services des ressources humaines. Une étude réalisée pour le Crehpsy par ses étudiants dans le cadre du master 2 stratégie de développement social de l'université de Lille. Cette enquête visait à comprendre quels étaient les obstacles à l'intégration des personnes handicapées psychiques dans les milieux ordinaires de travail et pourquoi cette problématique semblait plus aiguë dans le privé que dans la fonction publique.


Les étudiants ont questionné une quarantaine de responsables de ressources humaines (RH) de la branche commerce — car c'est le secteur qui recrute le plus dans la métropole lilloise où a été réalisée l'enquête —, une dizaine de RH du secteur public et une dizaine de salariés porteurs de handicaps psychiques. "Notre étude ne saurait être exhaustive et mériterait d'être complétée dans d'autres secteurs d'activité", prévient d'emblée Yann Le Lann. D'après l'étude, le différentiel entre le public et le privé n'est pas la conséquence d'une politique plus volontariste mais tout simplement celle du statut de fonctionnaire, plus protecteur. 

Une méconnaissance de ce type de handicap


Quant aux responsables des RH, ils ont montré, dans leur grande majorité, et dans tous les secteurs, leur difficulté à accompagner une forme de handicap qu'ils ont bien du mal à appréhender. "Les étudiants ont déjà eu beaucoup de mal à décrocher des entretiens, preuve s'il en est du malaise que cette question évoque pour un manager plus enclin à parler des aménagements réalisés pour accueillir une personne en fauteuil. Et lors des entretiens, les responsables ont montré leur méconnaissance du sujet confondant souvent handicap psychique et mental, ou s'estimant incompétents dans ce domaine qui relèverait plus, pour eux, de la médecine que des RH", poursuit le sociologue. L'étude démontre, une fois de plus, que la volonté d'intégrer est avant tout le fruit d'une volonté personnelle du manager, souvent en lien avec son histoire familiale ou amicale.

Pour les responsables des RH, le handicap psychique est la forme de handicap la plus difficile à intégrer en entreprise. Ce type de handicap leur semble difficilement compatible avec un mode de fonctionnement à flux tendu. Même les entreprises qui affichent une politique volontariste ont tendance à faire passer ces salariés "de la devanture à l'atelier," selon l'expression de Yann Le Lann. Ainsi, une chaîne de prêt-à-porter explique réserver des places aux personnes handicapées psychiques mais sur des postes qui ne sont pas en lien direct avec la clientèle.

Des outils à développer


Dans ce contexte, des dispositifs, comme l'emploi accompagné (lire notre article), montrent toute la pertinence d'un soutien et d'une réassurance qui concernent également l'entreprise, même si, comme le note Matthieu Ochin, directeur de Crehpsy Nord-Pas-de-Calais, "on ne peut que regretter la faiblesse des moyens dédiés à ce type de prise en charge qui a pourtant prouvé son efficacité". Le budget pour le programme emploi accompagné en 2018 permettra de financer 1 000 prises en charge sur toute la France. Et pour gérer la pénurie, l'ARS Hauts-de-France n'a lancé l'appel à projets que sur les départements du Nord et de l'Oise.
Emmanuelle Deleplace

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