lundi 25 décembre 2017

S’armer contre les violences faites aux femmes

Une femme sur cinq a déjà été victime d’agression physique ou sexuelle. Le trouble de stress post-traumatique qui en découle ainsi que ses effets sur le fonctionnement cérébral et cognitif est mieux compris. Un préalable à une meilleure prise en compte des victimes.

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO  | Par 

Carte blanche. L’actualité apprend à certains et rappelle à la plupart d’entre nous qu’à tout moment, des femmes, de toutes conditions et de tous milieux, sont victimes de violences physiques, morales ou sexuelles. D’après une étude réalisée sur 42 000 femmes par l’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne en 2014, une femme sur cinq a déjà été victime d’agression physique ou sexuelle. En France, ce chiffre est légèrement supérieur à ce qui est observé à l’échelle européenne.

Est-ce la raison pour laquelle on ­observe une féminisation de plus en plus large des sports de combat ? Aujourd’hui, un adhérent sur deux à la Fédération de boxe française est une femme. Cet engouement refléterait-il un attrait pour ce type d’activité ou le besoin de se sentir capable de se défendre ? Selon ce raisonnement, savoir se battre physiquement suffirait à se protéger. Ainsi, les femmes militaires ­seraient mieux armées contre ces actes.

Paradoxalement, les études réalisées ces dernières années ne sont guère ­rassurantes à cet égard… En effet, un ­rapport de 2012 nous apprend que 19 000 femmes sont violées chaque ­année dans l’armée américaine, soit ­environ 10 % des femmes militaires aux Etats-Unis. Naomi Himmelfarb, de l’université de Californie, avait déjà rapporté un fait étonnant en 2006 : la prévalence des agressions sexuelles sur les femmes pendant leur période d’activité dans l’armée est plus importante qu’avant ou après l’exercice de leur fonction. De plus, dans ce cas de figure, le risque est plus élevé de développer un trouble de stress post-traumatique (TSPT) que lorsque le même acte se produit avant ou après la carrière militaire.


Fonctionnement cérébral


Le TSPT a longtemps été considéré uniquement comme un trouble psychologique consécutif à un événement extérieur traumatisant. Néanmoins, on sait maintenant qu’en plus de générer une anxiété massive, ce trouble a également des effets sur le fonctionnement cérébral et cognitif. Roger Pitman, du département de psychiatrie de Harvard, a ainsi recensé les biomarqueurs cérébraux de ce trouble.

Ceux-ci incluent une réduction du volume de l’hippocampe, une hypo-activation du cortex préfrontal et une hyper-activation de l’amygdale. Ces structures font partie du circuit cérébral impliqué dans la gestion du stress et permettent une ­réponse émotionnelle et comportementale ­appropriée aux situations en lien avec les événements déjà vécus. Il n’est donc pas étonnant que leur altération soit ­associée à une difficulté à juger des stimuli comme étant inoffensifs et à inhiber des réactions émotionnelles ­négatives telles que l’anxiété.

Observer ou revivre une scène ­effrayante déclenche chez le sujet souffrant de TSPT une véritable terreur due à l’impossibilité d’inhiber la charge émotionnelle liée au souvenir du traumatisme passé. De plus, Jasmeet Hayes, du département de psychologie de l’université de Boston, a décrit une ­modification de la connectivité entre l’amygdale et les aires corticales impliquées dans la perception, l’attention ou le raisonnement. Cette modification de l’interaction entre les structures « chaudes », liées au traitement des émotions, et celles plus « froides » impliquées sur le plan cognitif conduirait les sujets atteints de TSPT à traiter tout stimulus comme inquiétant, voire menaçant. Par ailleurs, les informations positives seraient plutôt négligées.

Comprendre comment un traumatisme altère fonctionnellement et morphologiquement le système nerveux est déterminant pour reconnaître la condition des victimes et mettre au point la prise en charge psychologique et médicamenteuse la plus précoce et la plus adaptée. A terme, cette approche intégrée permettra également de mesurer si les conséquences cérébrales du TSPT sont réversibles.

Dans l’immédiat, il ne faut pas minorer la fréquence et la gravité de ces faits car cela contribue très certainement à majorer la détresse des femmes qui en sont victimes et ne se sentent pas reconnues comme ­telles. Améliorer la perception et la prise de conscience de ces actes, dont les ­conséquences délétères sur le plan ­psychologique, cognitif, cérébral et ­social sont aujourd’hui scientifiquement ­démontrées permettra, espérons-le, d’en ­réduire l’occurrence.

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