lundi 4 décembre 2017

PSYCHIATRIE Unis sur le terrain mais pas à l’assemblée

Par Anne Kanaan | 


Une proposition de loi de François Ruffin vise à allouer plus de moyens à la psychiatrie.
Le texte fédère des parlementaires de tous bords. Mais pas LREM. Barbara Pompili s’explique.

Bon. Voilà notre première proposition de loi. Sur le financement de la psychiatrie, donc. On est partis, vraiment, sur le minimum. Un truc qui, pour tous les soignants rencontrés, pour les associations contactées, apparaît comme une évidence. Du simple bon sens. En un mot : que le budget des hôpitaux psychiatriques augmente comme les hôpitaux classiques. Alors que, pour l’instant, discrètement, leur dotation est chaque année coupée. C’est tout. »

Si la proposition de loi sur la psychiatrie déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, mercredi 29 novembre par le député de la France Insoumise de la 1ère circonscription de la Somme, François Ruffin, semble évidente pour un certain nombre de ses confrères appartenant à des groupes politiques variés (LR, Modem, PS, Les Constructifs…), elle ne l’est pas forcément pour la République En marche.
En effet, le député LFI n’a obtenu aucune signature de la majorité. «  Ils ont des menottes aux poignets, s’exclame le député LFI, ils n’ont pas le droit de signer une proposition qui émane d’un autre parti. Je sais que ma proposition ne sera pas votée, mais elle a pour objectif d’attirer l’attention  », lance François Ruffin.

« Nous partageons le constat mais pas forcément la solution »

C’est à demi-mot que Barbara Pompili, député de la République en marche de la 2ème circonscription de la Somme, évoque une tradition qui, selon elle, existe depuis bien longtemps. «  C’est vrai qu’il existe une vieille discipline de groupe à l’Assemblée, qui veut que la majorité ne signe pas ce qui vient d’autres partis, sauf que nous pouvons nous en affranchir. Je ne me sens pas prisonnière  », affirme la députée.
Elle l’assure, elle porte le même combat que le député François Ruffin. Et si elle n’a pas apposé sa griffe sur sa proposition de loi, c’est parce que «  j e pense que je peux essayer d’aller plus loin. Sur le terrain, sur ce sujet de la psychiatrie, nous sommes complémentaires. Mais à l’Assemblée, nous n’avons pas la même fonction. Je fais partie de la majorité, lui de l’opposition, et à ce stade je ne sais pas si sa solution qu’il propose est la bonne. Je préfère essayer de faire aboutir quelque chose de plus complet. Même si nous ne sommes pas du même bord politique, sur ce sujet, je ne rentrerai jamais dans une polémique avec François Ruffin  », déclare Barbara Pompili qui annonce avoir rendez-vous ce jour avec le pôle Santé de Matignon.
«  On sait qu’une proposition qui vient de l’opposition n’a pas beaucoup de chance d’être votée. Je sais aussi que je ne suis pas une pro, je ne peux pas trouver la solution pour la psychiatrie au niveau national, seule. Notre rôle est de lancer l’alerte. C’est ce que nous avons fait en allant sur le terrain. Et c’est ce qu’il a fait avec sa proposition. Mais en tant qu’élue de la majorité, je pense avoir les contacts pour aller plus loin  », ajoute la députée.
S’ils n’ont pas encore réussi à s’entendre sur le papier, leur combat commun semble continuer sur le terrain. Tous deux ont demandé qu’une table ronde autour de la psychiatrie soit organisée en leur présence à l’Agence régionale de santé (ARS).
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Les faits
Lundi 7 août : François Ruffin passe une journée au sein de l’hôpital psychiatrique d’Amiens Philippe Pinel. À sa sortie et après avoir rencontré le personnel, la direction, mais aussi des membres de l’Agence régionale de Santé (ARS), il promet de faire une proposition de loi.
Mercredi 29 novembre, il dépose le texte sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Lundi 4 décembre, François Ruffin remet sa proposition de loi ainsi que son livre, « Un Député à l’HP », aux employés de l’hôpital Philippe Pinel.
Mercredi 6 décembre, les administrateurs doivent se prononcer quant à la recevabilité de la proposition de loi.

«La proposition de loi de M.Ruffin n’est pas recevable»

La proposition de François Ruffin a aussi attiré l’attention du site des Surligneurs, du centre de recherches en droit public Versailles Institutions Publiques (VIP). « François Ruffin propose de financer par des taxes sur le tabac une augmentation du budget des hôpitaux psychiatriques et d’arrêter de faire des économies sur le dos de la psychiatrie et des patients », peut-on lire sur le site. « (…) C’est une augmentation de charge qu’il préconise donc. Or l’article 40 de la Constitution dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Et de rajouter : « La « ficelle » utilisée par M. Ruffin, qu’on appelle aussi « gage tabac » et qui consiste à compenser systématiquement une dépense par l’augmentation des taxes sur le tabac, est connue du Conseil constitutionnel, qui la rejette régulièrement, car cette ressource est très aléatoire.

«Ce n’était plus possible de travailler dans ces conditions»

Lundi 4 décembre, le député François Ruffin était parti de nouveau à la rencontre des employés de l’hôpital Philippe Pinel, à Amiens, pour leur remettre une copie de son livre et de sa proposition de loi. « Nous sommes tout à fait satisfaits de sa proposition, déclare une psychiatre qui a quitté l’hôpital alors qu’elle y travaillait depuis près de 14 ans. Si je suis partie, c’est que ce n’était plus possible de travailler dans ces conditions. Nous n’avons jamais pu obtenir les réponses sur pourquoi l’hôpital allait si mal. Pourtant nous aimons notre métier, partir était un déchirement. »

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