vendredi 29 septembre 2017

La Cour des comptes tire à boulets rouges sur l'organisation des spécialistes libéraux

Anne Bayle-IniguezCyrille Dupuis
| 20.09.2017


cour comptes
Crédit Photo : S. Toubon


Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, dévoilé ce mercredi matin, la Cour des comptes cible particulièrement les dépenses dynamiques des médecins spécialistes libéraux et les inégalités dans l’accès aux soins spécialisés. Elle recommande des mesures plus musclées dans ce secteur. 
61 500 spécialistes libéraux hors de contrôle ?
Les dépenses directement liées aux actes de médecine spécialisée libérale – 61 503 praticiens, 40 disciplines distinctes – ont atteint 16,1 milliards d'euros en 2015 (ville et établissements), soit 8,3 % de la consommation de soins et de biens médicaux. Entre 2009 et 2015, la progression moyenne (+2,5 % par an) est quatre fois plus rapide que celle des généralistes , relève le rapport.
 Face à cette dynamique, les « sages » constatent les « limites » du parcours de soins instauré au milieu des années 2000, un dispositif « purement financier », non pas médical mais tarifaire, et qui a paradoxalement davantage bénéficié aux spécialistes qu’aux généralistes !
Au passage, les experts fustigent la « tarification figée » des actes techniques (CCAM) et le caractère inefficace des conventions médicales pour corriger les écarts de rémunérations entre spécialités « qui se renforcent ». La Cour recommande de réviser activement la nomenclature des actes techniques en fonction de leur valeur médicoéconomique mieux objectivée. 
Quant au DMP, qui devait structurer ce parcours de soins, il est qualifié d'« échec total ». Le cloisonnement persistant entre ville et hôpital mais aussi entre libéraux de santé eux-mêmes « favorise une dynamique de demande », peut-on lire. L’imagerie médicale fait l'objet d'un traitement particulier avec « une demande d’examens non maîtrisée ».
Les travers du contrat d'accès aux soins
Du côté de la régulation tarifaire, le contrat d'accès aux soins (CAS) instauré en 2013 (signé par 5 455 spécialistes en 2015) s'est révélé être un mécanisme de maîtrise « aux effets limités pour un coût considérable ». « Pour éviter 1 euro de dépassement, l’assurance maladie en a dépensé 10 », se désole la Cour. Le successeur du CAS (l'option de pratique tarifaire maîtrisée, OPTAM et OPTAM-CO), certes plus attractif, risque de conserver les mêmes travers. En attendant, le rapport fait état de dépassements « plus fréquents, plus élevés et concentrés sur certains territoires », à hauteur de 2,4 milliards d'euros en 2015.   
Sur ces bases, la Cour propose d'expérimenter un mécanisme de responsabilisation financière « sur le modèle allemand », sous la forme d’une « enveloppe globale et modulable de dépenses de soins de spécialité par patient », notamment pour la prise en charge de pathologies chroniques. Un tel bouclage budgétaire pourrait être couplé avec un renforcement de la régulation des dépassements.
Autre préconisation radicale mais rebattue : le conventionnement sélectif. Dans les zones surdotées, le conventionnement de nouveaux spécialistes « devrait être subordonné à leur installation en secteur I », lit-on. Et dans les secteurs sous-dotés, la Cour suggère de rendre obligatoire l’adhésion des médecins s’installant en secteur II à l’option de pratique tarifaire maîtrisée. Les sanctions devraient être renforcées en cas de pratiques tarifaires excessives (allonger les durées de suspension temporaire du droit à dépassement par exemple). 
Quant aux aides à l'installation, elles devraient être resserrées sur un nombre réduit de dispositifs en privilégiant un exercice permanent ou intermittent « sous forme de consultations avancées, au sein de structures pluriprofessionnelles ».

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