vendredi 12 mai 2017

Santé  : portrait de la France des oubliés

LE MONDE  | Par 

« La France des oubliés » a dominé l’élection présidentielle qui vient de s’achever, montrant l’écart entre les zones rurales ou industrielles et les zones urbaines. Dans le domaine de la santé, des disparités sociales significatives demeurent en matière de santé en France. C’est ce que montre un rapport 2017, rendu public jeudi 11 mai, intitulé « L’état de santé de la population en France », publié par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), coordonné pour la première fois avec l’agence Santé publique France. « Les inégalités de mortalité demeurent dans notre pays plus importantes que dans d’autres pays européens et se sont aggravées au cours des der­nières décennies », constatait, déjà, en 2009 le Haut Conseil de la santé publique.


L’état de santé des Français est certes « globalement bon » par rapport à nos voisins européens de richesse similaire, avec une espérance de vie élevée en 2015, de 85 ans pour les femmes et de 78,9 ans pour les hommes. Mais un homme diplômé et cadre vivra en moyenne plus longtemps qu’un homme sans diplômes et ouvrier. Ainsi l’espérance de vie d’un cadre à 35 ans est supérieure de 6,4 ans à celle d’un ouvrier sur la période 2009-2013, selon le rapport. L’écart est encore plus grand – 7,5 ans – selon le niveau de diplôme (supérieur ou aucun diplôme). La différence est toutefois plus faible chez les femmes selon la catégorie sociale. Mais ces écarts restent considérables. Et ils sont en « légère augmentation » ces dernières années.

« Les classes les plus favorisées économiquement et/ou les plus diplômées bénéficient d’un meilleur état de santé, d’une capacité d’appropriation des messages de prévention plus adéquate et d’un accès au système de santé, notamment de recours aux soins plus adapté », indique le rapport. Reflet des inégalités sociales, on vit plus longtemps en Ile-de-France ou dans la moitié sud de la France que dans les Hauts-de-France ou dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), avec des écarts là encore importants : 6 ans entre l’Ile-de-France et Mayotte pour les hommes.


Déterminants sociaux


Activité physique, sommeil, alimentation, conditions de vie, de travail, offre de services en santé… de nombreux facteurs influent sur l’état de santé. Mais là aussi les déterminants sociaux jouent beaucoup. Sur les pathologies d’abord. Le lien entre cancer et pauvreté n’est pas nouveau. Une étude publiée en février dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire avait montré que près de 15 000 cas de cancer pourraient être évités en France « chaque année par l’amélioration des conditions de vie et la promotion de la santé des populations les plus défavorisées ». Le « gradient social de santé », qui mesure le rapport entre niveau social et état de santé, est aussi très marqué pour les maladies cardio-vasculaires, pulmonaires, le diabète...

Surpoids et obésité des enfants en CM2 en 2014-2015.
Ensuite, les facteurs de risque (alcool, tabac, sédentarité, malbouffe) touchent différemment les Français. S’agissant du tabac, il concerne 19 % des cadres contre 42 % des ouvriers non qualifiés. La région Grand-Est présente le taux de consommateurs le plus élevé. Pour les pathologies liées à l’alcool, quatre régions sont les plus touchées : les Hauts-de-France, la Bretagne, la Normandie et la Réunion pour les Drom.

De même, la proportion d’enfants de grande section de maternelle souffrant d’obésité atteint 5,8 % chez les ouvriers et 1,3 % chez les cadres, souligne le rapport. Les disparités sont fortes sur les comportements comme la nutrition ou l’activité physique. Ces effets existent dès la vie intra-utérine, avec un taux de prématurité ou de petit poids de naissance plus élevé dans les foyers à faible revenu. Un exemple : les femmes dont le revenu du ménage est inférieur à 1 000 euros mensuels sont 27,8 % à consommer au moins une cigarette par jour au troisième trimestre de grossesse, tandis que les femmes avec un revenu supérieur à 4 000 euros mensuels sont 6,8 % à en consommer.

C’est une évidence, les conditions de travail aussi ont un effet sur la santé, que ce soit l’environnement (présence de pesticides, de certains métaux, d’amiante…), les contraintes physiques (charges lourdes, postures pénibles) ou les rythmes (travail de nuit, répétitif…). Le rapport de la Drees montre notamment que 70 % des ouvriers sont concernés par au moins un facteur de pénibilité, contre 21 % des employés de commerce et de service et 12 % des cadres et professions intellectuelles supérieures. Des chiffres qui contribuent là encore fortement aux inégalités de santé : en 2010, plus de 8 millions de salariés (soit près de 40 %) étaient exposés à au moins un des facteurs de pénibilité.

Passant en revue tous les indicateurs (sociaux, régionaux…), les comportements, les pathologies, les conditions de travail de la population, ce baromètre de la santé des Français, sera un outil utile pour le futur ministre de la santé. Affichée comme un enjeu majeur, année après année, gouvernement après gouvernement, la réduction des inégalités sociales de santé reste à l’agenda.

Naissances prématurées selon la région de résidence.


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