mardi 20 décembre 2016

Après la dépression et les petits métiers, l'espoir renaît pour les médecins privés de thèse

20.12.2016


Les médecins interdits d'exercer pour ne pas avoir soutenu leur thèse à temps pourraient voir leur sort évoluer bientôt.
Le projet de loi Montagne, examiné en deuxième lecture mercredi par l'Assemblée nationale, contient un amendement du gouvernement visant à débloquer leur situation. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait promis il y a quelques semaines d'intervenir.
Le projet de loi précise que les anciens résidents pourront être autorisés à prendre une inscription universitaire en vue de soutenir leur thèse après avis d'une commission placée auprès des ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur. 
Une fois leur thèse soutenue et après une éventuelle remise à niveau, ils seront autorisés à exercer en zone sous-dotée.

Dix ans comme FFI
« Enfin quelque chose de concret », a réagi auprès de l'AFP Christian Gauchet, 47 ans, reprenant espoir après 4 ans de chômage forcé. Malgré son bac +8 en médecine générale et ses 17 ans d'expérience au SAMU, il a dû se reconvertir comme agent immobilier.
À l’origine de ses déboires, un décret paru en 2004 réformant les études médicales. Ce texte obligeait tous les étudiants généralistes de l'ancien régime – les résidents – à soutenir leur thèse « avant la fin de l'année universitaire 2011-2012 ».
Mais « personne ne nous a prévenus », s'indigne Christian Gauchet. Les futurs généralistes ont un délai de trois ans après la fin de leur internat pour leur soutenance, sauf dérogation. Pour les anciens résidents, « aucune date limite n'existait », assure-t-il.
Certains profitaient donc de la possibilité d'exercer temporairement sans diplôme, sous certaines conditions, notamment comme remplaçant, ou mettaient leur carrière entre parenthèses pour des raisons personnelles avant d'obtenir leur précieux sésame. C'est ainsi que Christian a pu exercer une dizaine d'années comme faisant fonction d'interne (FFI) dans les hôpitaux de Strasbourg et Saverne.
Déconnecté du travail estudiantin, le Strasbourgeois repousse l'échéance jusqu'en 2013, après la fin d'un contrat. Mais quand il retourne à la fac pour soutenir sa thèse, on lui annonce qu'il est hors délai.
« C'était l'effondrement total, je me suis retrouvé avec l'équivalent d'un simple bac, il n'y avait aucune passerelle pour devenir infirmier, par exemple », relate Christian, qui tombe alors en dépression. Sans emploi, ni indemnité chômage, il finit par demander le RSA.
Reconversion en charcuterie ou sophrologie
Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) a recensé une quarantaine de cas de résidents ayant validé toute leur formation, sauf leur thèse. L'Ordre des médecins n'a de son côté reçu que 27 dossiers.
De fait, rares sont ceux qui osent témoigner. « Il y a un sentiment de honte même s'il n'est pas justifié », explique Lætitia Monnier, une Rémoise de 42 ans, elle aussi privée de thèse. Dépression, divorce et autres « péripéties » l'ont tenue éloignée de la fac jusqu'en 2013. Après avoir enchaîné les CDD, les mi-temps, notamment comme vendeuse en charcuterie, elle suit désormais une formation en conduite de ligne de production dans l'industrie.
Virigine Lacombe, 50 ans, entame, elle, sa deuxième année en sophrologie, frustrée de ne pouvoir exercer malgré le manque de généralistes. « Il y a énormément de départs à la retraite autour de moi, constate-t-elle. Certains confrères mettent des années à trouver un successeur pour éventuellement faire appel à des étrangers… On est là, nous. »
Certes, « une remise à niveau s'impose », reconnaît Virginie, qui a arrêté d'exercer en 1999 pour s'occuper de ses quatre enfants. Mais pas question « de mettre son CV à la poubelle » en passant les épreuves classantes nationales (ECN) et en faisant trois nouvelles années d'internat, solution privilégiée par l'Ordre des médecins.
Avec AFP

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