mercredi 5 octobre 2016

«Le viol fait encore l'objet d'une grande tolérance sociale»

Par Virginie Ballet — 5 octobre 2016

A la cour d'assises de Créteil, en octobre 2015.
A la cour d'assises de Créteil, en octobre 2015. Photo Franck Fife. AFP

Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes remet ce mercredi un rapport pour une meilleure prise en charge judiciaire et sociétale du viol et des agressions sexuelles.


«On n’a pas encore, en France, pris conscience que le viol est un crime, grave, passible de la cour d’assises, et pas un fait divers». Ce constat choc, c’est celui de Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), exprimé dans le Parisien. C’est aussi la colonne vertébrale du rapport rendu public ce mercredi par cette instance nationale consultative indépendante. Objectif : en finir avec «le tabou, la banalisation, et la large tolérance sociale» qui entourent encore le viol.

«On parle d’un phénomène encore extrêmement massif, qui touche environ 240 femmes par jour en France, soit un viol toutes les six minutes. Et ces chiffres sont probablement sous-estimés», insiste Danielle Bousquet. Chaque année, environ 84 000 femmes de 18 à 75 ans et 14 000 hommes sont en effet victimes de viol ou de tentative de viol. Dans neuf cas sur dix, la victime connaît son agresseur. «Seule une victime sur dix porte plainte, et un violeur sur cent est condamné», déplore la présidente du HCE.
«Interprétations fluctuantes»
Remis à la ministre des Familles, de l’Enfance et des droits des Femmes, Laurence Rossignol, ainsi qu’à la présidente de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, Catherine Coutelle, les travaux du HCE comportent douze recommandations. Parmi elles : une définition plus précise de ce crime dans le Code pénal, dont l’article 222-23 dispose actuellement qu’est qualifié de viol «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise». «Ces notions laissent encore souvent la place à des interprétations fluctuantes et devraient être précisées», estime Elisabeth Moiron-Braud, co-rapporteure du texte.
Autres pistes : allonger les délais de prescription (une proposition de loi en ce sens est actuellement à l’étude au Parlement), en finir avec la correctionnalisation de ce crime qui minimise sa gravité, améliorer la prise en charge des victimes en créant un réseau de centres d’accueil d’urgence, instaurer un seuil d’âge en deçà duquel le non-consentement est présumé (par exemple avant 13 ans en Angleterre ou au Pays de Galles), rendre effective l’éducation à la sexualité des plus jeunes (comme le préconisait déjà le HCE dans un rapport rendu en juin), ou encore dénoncer la «culture du viol» dont est imprégnée la société française. Ainsi, près d’un tiers des 18-24 ans estime par exemple que «les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées lors d’une relation sexuelle», selon un sondage réalisé en mars dernier pour l’association Mémoire traumatique et victimologie. 

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