mercredi 18 mai 2016

Soins : les nouveau-nés souffrent encore trop !

11/05/2016


Il n’y a pas que des raisons éthiques pour lutter contre la douleur provoquée par les soins chez le nouveau-né. Des stimuli douloureux répétés en début de vie entraînent une instabilité physiologique, une perturbation de la réponse au stress et des anomalies du développement. Or ce type de douleur reste inconstamment évalué et insuffisamment traité, notamment chez le prématuré.
Les actes visés comprennent la piqûre au talon (avec une lancette), la ponction veineuse, l’insertion d’un cathéter vasculaire, la pose d’un drain pleural et son retrait, l’intubation trachéale non urgente, la circoncision, les vaccinations, les examens ophtalmologiques…
Les nouvelles recommandations de l’American Academy of Pediatrics (AAP) mettent l’accent sur la limitation de ces actes –autant que possible-, une évaluation objective de la douleur aiguë néonatale, et les indications des différents moyens antalgiques.
L’évaluation de la douleur est difficile chez le nouveau-né, plus encore s’il est très prématuré, malade ou neurologiquement atteint. Elle implique l’utilisation d’une échelle intégrant les manifestations comportementales et les constantes vitales, ainsi que des cotations avant, pendant et après l’acte. L’échelle française de « Douleur aiguë du nouveau-né » [DAN], de R. Carbajal et coll. est l’une des rares à avoir été validée avec le patient comme son propre témoin.

Sucre et bercement

Le traitement de la douleur s’appuie sur des moyens non pharmacologiques et pharmacologiques
Les premiers comprennent le bercement, la position repliée avec les bras le long du corps, la succion non nutritive, l’allaitement, le peau-à-peau et des paroles douces. Ils sont indiqués pour les douleurs brèves, légères à modérées (piqûre au talon, ponction veineuse).
Parmi les moyens pharmacologiques, le saccharose est efficace pour un acte tel qu’une vaccination ou un examen ophtalmologique. Une dose de 0,2 ml à 0,5 ml/kg d’une solution à 24 %, donnée 2 minutes avant le début de l’acte, a une durée d’action de 4 minutes. Des doses nombreuses et rapprochées ne sont peut-être pas anodines. Dans une cohorte de 107 prématurés de moins de 31 semaines, ceux qui avaient reçu plus de 10 doses de saccharose sur 24 h durant la première semaine de vie avaient de moins bons scores de neurodéveloppement à 32, 36 et 40 semaines. Le saccharose devrait donc être prescrit et « tracé » comme un médicament. Le glucose a un effet similaire au saccharose. On peut combiner l’administration d’un sucre au bercement et à la succion non nutritive.

Molécules antalgiques et anesthésiques

Les opiacés (morphine et fentanyl) et les benzodiazépines (surtout le midazolam) sont indiqués pour les actes très douloureux (pose d’un drain pleural et son retrait, intubation trachéale non urgente, circoncision). Les benzodiazépines ont surtout un effet sédatif. Leurs bénéfices et leurs risques sont à peser à chaque indication. Une revue Cochrane n’a pas trouvé assez de preuves pour recommander l’utilisation systématique d’opiacés lors d’une ventilation mécanique, la réduction de la douleur étant contrebalancée par les effets secondaires, dont la dépression respiratoire et la prolongation de la ventilation mécanique.
La méthadone, la kétamine et le propofol ont été peu étudiés chez les nouveau-nés.
Le paracétamol, per os ou par voie IV, est surtout utilisé contre la douleur postopératoire, seul ou en association. Les AINS sont réservés à la fermeture du canal artériel persistant du prématuré.
En revanche, les anesthésiques locaux, tels que le gel de tétracaïne et la crème EMLA (lidocaïne et prilocaïne à 2,5 %) soulagent la douleur due à une ponction veineuse ou artérielle, ou à l’insertion d’un cathéter épicutanéo-cave. La crème EMLA est efficace pour les ponctions lombaires, mais pas pour les piqûres au talon. Elle peut provoquer des méthémoglobinémies.
En définitive, toute unité dispensant des soins aux nouveau-nés doit rédiger des protocoles de prise en charge de la douleur provoquée par les soins. Les professionnels de santé doivent se former à la lutte contre la douleur des nouveau-nés. Il est nécessaire de poursuivre la recherche pour combler les lacunes de nos connaissances sur la douleur néonatale, par exemple le mécanisme d’action du saccharose.
Dr Jean-Marc Retbi

RÉFÉRENCE
Committee on fetus and newborn and section on anesthesiology and pain medicine : Prevention and management of procedural pain in the neonate: an update. Pediatrics, 2016; 137; 1-13. DOI: 10.1542/peds.2015-4271

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