jeudi 21 janvier 2016

L'association de handicap Geist21 teste ce qui pourrait constituer un nouveau modèle médico-social

En partant d'une idée évidente, soit l'accompagnement de personnes handicapées sans solution et de leur famille, l'association mayennaise Geist21 a posé les bases d'une nouvelle approche de la personne. Parcours et empowerment pour mots d'ordre, elle compte réajuster le positionnement médico-social pour ouvrir la voie à la désinstitutionnalisation.
Et si l'établissement pouvait ne devenir qu'un pôle de ressources temporaire ? Cette question, l'association Geist 21, pour groupe d'étude pour l'insertion sociale des personnes porteuses de trisomie 21, se la pose depuis un moment. Plus encore, elle entend bien en faire un simple constat. Notions d'empowerment et de parcours pour principaux piliers, la structure de Mayenne a ainsi réussi à convaincre l'ARS Pays de la Loire de tester un nouveau modèle d'accompagnement. Baptisé Prisme — pour palette ressources au service de l'inclusion socio-médicale et expérimentale des personnes en situation de handicap —, ce projet, s'il prévoit pour l'heure de restructurer les huit services de l'association, entend à terme proposer une alternative au modèle organisationnel et économique de rigueur sur le secteur médico-social.


Réajuster l'approche des professionnels vers le social

L'idée : constituer une gestion de cas individualisée sur l'ensemble du parcours, en partant de l'enfance ou de la scolarité jusqu'au vieillissement, en passant par toutes les étapes de la vie que sont l'insertion professionnelle, la vie sociale, l'habitat et la parentalité. "Nous avons là avec Prisme un vrai laboratoire, expose Rémi Leblanc, directeur général du Geist21. Il s'agit de changer les paradigmes, casser les cases". C'est ainsi qu'ont d'abord été expérimentés, dès 2012, deux Samva, des services d'accompagnement médico-social à vocation alternative. "À l'instar de la philosophie développée dans le rapport Piveteau, il s'agit d'apporter des réponses modulables et sur mesure pour les jeunes en attente de places de services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ou de service d'accompagnement médico-social pour adulte handicapé (Samsah). Ce, en raisonnant non plus en termes de place mais en termes de file active",précise Patricia Salomon, responsable du secteur médico-social de l'ARS.
Première pierre de la palette ressources, ce service entend offrir un appui à l'entourage de la personne handicapée mentale ou psychique. En effet, souligne Rémi Leblanc, pour les familles comme les usagers, "les préoccupations majeures ne sont pas de l'ordre du soin mais plutôt de l'ordre du social". Convaincu de l'intérêt de s'appuyer sur l'environnement de la personne plutôt que d'adapter l'environnement à la personne, le directeur insiste donc sur l'intérêt de faire évoluer les pratiques. Ce, en réajustant l'approche des professionnels de ces services pour passer d'une entrée médicale, médico-sociale, à une entrée sociale ; d'une posture d'expert à une posture d'accompagnant. Pour faciliter ce travail, le Geist21 a ainsi choisi de moduler la fonction des professionnels pour en faire des médiateurs de parcours — un intervenant unique référent de l'accompagnement. "Ils changent de métier pour nous, admet Rémi Leblanc. Ça bouscule mais le personnel accepte ce besoin d'innovation de pratiques ; ils comprennent le pourquoi."

"Que les établissements puissent faire du prestationnel"

Car si les pays anglo-saxons travaillent à la désinstitutionnalisation depuis plusieurs années, notamment dans le champ de l'inclusion scolaire, la France, elle, accuse un certain retard. Et pour Rémi Leblanc, il est temps de le rattraper. "Il faut faire évoluer le médico-social, pour que demain, l'ensemble des établissements puissent faire du prestationnel et élaborer une forme de compensation à la carte en somme". Trop utopique ? "Peut-être, mais on part avec une belle confiance, les retours nous confortent sur nos postures", assure le directeur.
En l'espace de quatre ans, les Samva ont en effet déjà fait leurs premières preuves. "Ce qui se présentait comme un plan B, s'il s'est en effet traduit à terme par une orientation en Sessad ou Samsah pour certains, a permis, dans d'autres cas, de voir que ce plan B se suffisait à lui-même et s'avérait même plus satisfaisant pour les familles", reprend Patricia Salomon*. Des résultats qui augurent, pour Rémi Leblanc, d'un possible pas vers une politique globale de désinstitutionnalisation. Une étude d'impact médico-économique devrait suivre. Si elle confirme les premières observations, elle permettra ensuite de requestionner le cadre juridique et d'agir sur les freins identifiés. À savoir pour l'ARS, revoir les modalités de financement et de double prise en charge entre soins de ville et soins médico-sociaux, de même que les prestations des professionnels de l'ambulatoire et du libéral. Les premières données devraient être consolidées en juin 2016, au terme de l'expérimentation Samva.
Agathe Moret 
* Au total, 88 familles ont pu être accompagnées entre le début de l'expérimentation et septembre 2015.
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