jeudi 21 janvier 2016

4 à 8 euros par coup de fil, DirectoDoc rémunère les médecins pour le temps passé au téléphone avec les patients

Stéphane Long
Des consultations téléphoniques rémunérées, c’est la proposition récemment émise par le SML « pour fluidifier le parcours de soins ». L’idée n’est pas nouvelle. Une petite société nantaise a franchi un premier pas depuis le 1er décembre 2015 en proposant une application pour téléphones mobiles (iOS, Android, Windows Phone). DirectoDoc permet à un patient d’alerter son médecin traitant et de se faire rappeler au téléphone par ce dernier, dans un délai raisonnable (dans la journée).
 23.01.2016  


Le service est payant pour le patient et donne lieu à une rémunération pour le médecin : entre 4 et 8 euros selon la spécialité, bien loin des tarifs de consultation habituels. Le paiement est déclenché lorsque l’échange téléphonique dure plus de 15 secondes (et jusqu’à 15 minutes). Patients et praticiens doivent préalablement s’inscrire sur la plateforme DirectoDoc.


Améliorer la relation patient-médecin

Pas question cependant de proposer des consultations qui donneraient lieu à des prescriptions. DirectoDoc ne se positionne pas sur ce créneau, par ailleurs très encadré par la loi« Nous ne proposons pas une plateforme de télémédecine. Il s’agit avant tout de permettre aux médecins d’assurer un suivi de leurs propres patients, de garder contact avec eux », précise Typhaine Servant, créateur du service.

Cas de figure classique : un patient est inquiet, il demande à son médecin traitant d’être rappelé. Ce dernier pourra alors lui proposer un rendez-vous s’il estime que l’alerte le justifie ou, au contraire, le rassurer. Côté patient, le service offre l’assurance d’être rappelé (sauf impondérable). Côté soignant, c’est la possibilité de valoriser le temps consacré au téléphone et de mieux gérer sa patientèle.

Prestation de service ou conseil médical ?

La société assure avoir pris conseil auprès de l’Ordre national des médecins pour être en conformité avec la réglementation. Aujourd’hui, la loi laisse peu de marge de manœuvre aux médecins.

Le Dr Jacques Lucas, vice-président du CNOM, est catégorique : « Aujourd’hui, un médecin qui recouvre un paiement par le biais d’un service de conseils médicaux par téléphone mis en place par une entreprise commerciale est en infraction puisqu’il contourne l’article R4127-53 du code de la santé publique. » Ce texte stipule que « l’avis ou le conseil dispensé à un patient par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire ».

« Nous ne sommes pas dans ce cas de figure, assure Maître Lina Williatte, l’avocate qui a conseillé DirectoDoc. Il ne s’agit pas d’une prestation médicale. On est dans un cas où le médecin oriente son propre patient. Il organise lui-même son planning pour réguler les flux. C’est une prestation de service qui peut donner lieu à rémunération. »

Ce flou juridique pourrait cependant être levé prochainement. « Le Conseil travaille sur le sujet depuis plusieurs mois. Nous ferons des propositions début février pour modifier la réglementation », indique le Dr Lucas.

« La peur d’être submergé par les appels »

Près de 200 médecins se seraient inscrits au service DirectoDoc depuis le mois de décembre 2015, principalement grâce à un accord signé avec le groupe de cliniques nantaises Le Confluent, qui a adopté l’application pour le suivi de ses patients de retour à leur domicile.

Que pensent-ils du service DirectoDoc ? « Nous avons eu globalement un bon accueil, répond Typhaine Servant, même si certains praticiens s’arc-boutent sur l’examen clinique. » Autre crainte des praticiens, la « peur d’être submergés par les appels »… Enfin, il y a ceux qui ne voient pas pourquoi leurs patients devraient payer pour un service qu’ils assurent déjà… gratuitement.

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