vendredi 16 octobre 2015

Exclusif : la majorité des professionnels défavorables au déremboursement des benzodiazépines

13/10/2015

Le ministre de la Santé l’a martelé ces dernières semaines, toutes les mesures impliquant une augmentation des dépenses de santé supportées par les ménages ont été écartées. Est donc exclue toute perspective de déremboursement. Voilà qui éloigne pour quelques temps l’application des préconisations formulées cet été par un groupe de travail installé par le ministère de la Santé qui proposait de supprimer le taux de remboursement de 15 %.Une telle évolution viserait notamment de nombreux hypnotiques de la famille des benzodiazépines qui ont vu leur niveau de prise en charge passer de 65 à 15 % à la fin 2014.

Des pharmaciens partagés, des infirmières fortement hostiles

Tant les Français que les professionnels de santé se montrent largement hostiles à une telle perspective.
Une enquête réalisée pour le groupe PHR dont nous évoquions les principaux résultats dans ces colonnes la semaine dernière a ainsi une nouvelle fois rappelé que 75 % des Français rejettent cette mesure en général. La position des professionnels de santé pourrait être différente, notamment en ce qui concerne les benzodiazépines, dont le mésusage reste fréquent et dont l’efficacité a été souvent remise en question. Pourtant, un sondage réalisé sur JIM du 23 août au 12 septembre indique que la majorité des professionnels de santé (59 %) se montre opposée à une telle mesure. L’opposition est particulièrement marquée chez les infirmières qui sont 78 % à afficher clairement leur refus d’un déremboursement des benzodiazépines.
Cette large majorité trouve sans doute son origine dans une préoccupation accrue des infirmières concernant les difficultés économiques de leurs patients… et aussi en raison de leur proximité avec des personnes âgées, auxquelles les benzodiazépines sont fréquemment prescrites et auprès desquelles elles peuvent constater éventuellement leur mésusage, mais également aussi leur utilité. Les médecins sont pour leur part 57 % à se déclarer contre la suppression de la prise en charge des benzodiazépines. C’est enfin chez les pharmaciens que l’on trouve la position la plus partagée, puisqu’ils ne sont plus que 51 % à se dire défavorables à cette mesure. Si pourtant les pharmaciens pourraient économiquement avoir le plus à pâtir d’une telle disposition, ils sont sans doute les premiers à constater combien les renouvellements de prescription ne s’inscrivent pas toujours dans les recommandations, et également à recueillir les confidences des patients quant à d’éventuels effets secondaires.
Sondage réalisé du 23 août au 13 septembre sur JIM.fr 

Sujet complexe

Le déremboursement des benzodiazépines pourrait pourtant être soutenu pour plusieurs raisons.
D’une part, le maintien d’un taux de prise en charge de 15 % visant les médicaments à service médical rendu faible a fréquemment été dénoncé comme une certaine aberration : pourquoi continuer à rembourser des produits dont on affirme que l’utilité est faible, voire nulle ?
D’autre part, concernant plus précisément les benzodiazépines, la fin de la prise en charge pourrait permettre de restreindre les cas de mésusage, comme le soulignait la Haute autorité de Santé lorsqu’elle recommanda l’abaissement du niveau de remboursement de 65 à 15 %.
Cependant, les spécialistes notent d’une part que ce type de mesure touche généralement principalement les plus défavorisés, catégorie de la population au sein de laquelle on retrouve le plus de syndromes anxieux. Ainsi, le déremboursement aurait sans doute pour effet collatéral de creuser les inégalités.
Par ailleurs, les praticiens remarquent que face aux patients dépendants, une telle disposition n’aurait sans doute que peu d’impact et échouerait à remplir son objectif de santé publique affiché.
Sans doute ces arguments expliquent-ils que les professionnels de santé, soucieux de défendre leurs patients et de lutter contre le mésusage par des méthodes d’abord thérapeutiques, refusent généralement les mesures de déremboursement.
Aurélie Haroche

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