vendredi 11 septembre 2015

Politique de santé Le débat sur la fusion échauffe les esprits sur les groupements hospitaliers de territoire

 - HOSPIMEDIA
Pas encore validées dans leur principe par le Parlement, les GHT n'en finissent pas pourtant de faire débat. Pour les participants ce 9 septembre au colloque du Syncass-CFDT, l'impact social de cette opération de pré-fusion pose question. Un faux-débat rétorque-t-on du côté des ARS et de la mission GHT. Des propos qui crispent les directeurs.
Le directeur général de l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur, Paul Castel, a eu beau jeu d'affirmer ce 9 septembre à Levallois-Perret ne pas disposer de schémas pré-établis des futurs groupements hospitaliers de territoire (GHT), que ceux-ci n'allaient pas accoucher d'usines à gaz et que les maîtres-mots ministériels étaient "discussion, dialogue et proximité" pour une copie venant essentiellement du terrain. Il ne s'est pas vraiment trouvé de participants au colloque du Syncass-CFDT pour lui emboîter le pas. Ciblés sur un thème qui questionne aujourd'hui la totalité des directeurs en parallèle du plan triennal d'économies – GHT : vers un nouveau mode organisationnel ? –, les débats ont en effet confirmé toutes les craintes suscitées par cette évolution imminente de la cartographie hospitalière. D'ailleurs, ce projet est "loin de faire l'unanimité, tant dans sa forme que sur son principe", a rappelé en ouverture des échanges la secrétaire générale adjointe du Syncass-CFDT, Anne Meunier. "Sa réussite et son avenir sont loin d'être assurés". Et de pointer une réforme encore trop "imprécise" qui promet, selon elle, de déstabiliser socialement les établissements, avec derrière cette idée que le pilotage local doit reposer "sur le moins de têtes possibles". Mais aussi "un parti-pris du gigantisme" voire de la "superstructure", alerte la syndicaliste, où l'appétit de certains directeurs frise parfois "l'embonpoint".

"Il faut arrêter d'avancer masqué"

D'ailleurs, Me Laurent Houdard, du cabinet d'avocats Houdart & associés, a souligné combien les GHT, à cinq jours du débat au Sénat du projet de loi de Santé, s'avéraient bien "une opération de pré-fusion" qui refuse de dire son nom. "On est à quelques centimètres de la rive de la fusion mais toujours dans le torrent tumultueux de la pré-fusion", d'après lui. C'est donc bien, à l'entendre, "une apparence de coopération" qu'illustre la notion même de "groupement" mais qui prend davantage la forme d'un contrat entre les partis : on s'oriente donc non pas vers un "groupement" mais un "groupe", non pas vers de la coopération mais de l'intégration, dans lequel la gouvernance s'annonce "du costaud". De même, le dispositif n'étant pas encore suffisamment sécurisé juridiquement, l'avocat s'inquiète de la mise en œuvre des GHT à l'échelon des pharmacies à usage unique (PUI), des blanchisseries, de la restauration et de la biologie. Sans compter sa compatibilité avec le tout concurrence de la T2A. "Il faut arrêter d'avancer masqué", ont abondé plusieurs directeurs dans l'assistance. "Les GHT entraîneront inévitablement de la souffrance. C'est pourquoi, a ajouté Laurent Houdard, pour un objectif aussi restructurant, on aimerait savoir ce qu'on en attend exactement à trois-cinq ans." Mais d'admettre toutefois qu'on est aujourd'hui dans "du work in progress législatif", avec une formule qui désormais se découvre beaucoup plus sur la notion de fusion que le texte initial, qui tendait au "Janus à deux têtes".


Les fusions ? "Une théorie du grand complot", pour Jacqueline Hubert

Intervenant au nom de la mission GHT, la directrice générale (DG) du CHU de Grenoble, Jacqueline Hubert, a suscité l'agacement pour ne pas dire la consternation chez les participants au colloque. Pour citer après coup le directeur du CH de Beauvais (Oise), Éric Guyader, "c'est un peu nous faire injure", arguant de propos qui s'apparentent à une leçon de morale aux directeurs sur la territorialité. En effet, questionnée sur le moyen terme et d'éventuelles fusions d'établissements, la DG grenobloise a vilipendé "une théorie du grand complot" : "C'est un non-problème ! Et je m'en fous éperdument !". Puis, évoquant la fonction achat et l'information médicale : "On s'en fout un petit peu de ces missions-là", demandant aux directeurs d'œuvrer davantage à la promotion des parcours de soins et à l'accueil des futurs praticiens territoriaux. Et de conclure : "Je ne vois pas en quoi le rôle du chef d'établissement est amoindri."

"Que reste-t-il concrètement au directeur de site ?"

Cette interrogation sur le sort des chefferies d'établissement, entre statu quo, direction commune et fusion, occupe d'autant plus les esprits qu'en toile de fond se redessine le métier même de directeur d'hôpital. À la tête du CH de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Francis Saint-Hubert ne s'y est pas trompé : "Le DH est mort, vive le DT !", avec un doute encore sur ce dernier sens entre directeur ou délégué territorial. Et de s'interroger, une fois laissé à l'établissement support du GHT le plan global de financement pluriannuel, le pilotage de l'information médicale, du système d'information et des achats : "Que reste-t-il concrètement au directeur de site ?". Le risque avec cette baisse des chefferies, relayé par Antoine Pacheco, directeur du CH Esquirol de Limoges (Haute-Vienne), est d'aboutir à "de petites assistances publiques où l'expression des compétences serait éloignée du terrain". Plus globalement, alors que certains hôpitaux sont "au bord de l'implosion sociale", dixit Bruno Lamy, responsable syndical CFDT au CH Georges-Mazurelle à La Roche-sur-Yon (Vendée), comment expliquer à un agent des services hospitaliers qui touche 1 200 euros par mois qu'il va devoir muter avec son service vers l'hôpital support ? Et quel "mal-être social" pour ces directeurs aujourd'hui en chefferies qui vont, du jour au lendemain, avoir le sentiment d'être déclassés en rebasculant sur une fonction de directeur adjoint ? À ces questionnements, les réponses évasives et pour plus d'un déconnectées du terrain des représentants d'ARS et de la mission GHT ne sont pas pour rassurer les esprits.
Thomas Quéguiner 
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