lundi 21 septembre 2015

Coupes claires dans la santé publique

 |  PAR YVES FAUCOUP


Un centre de soins, à destination des étudiants, est menacé à Toulouse : créé voici 25 ans, il assure un réel service de santé publique mais, dans un contexte de restrictions budgétaires, les décideurs comptables envisagent de le démanteler. Et de privilégier des alliances avec le secteur privé lucratif.
 Le Centre de Soins Saint-Sernin est situé dans le quartier éponyme, à Toulouse, près de la splendide basilique romane Saint-Sernin (qui héberge les reliques de Saturnin, son saint patron). La rue du Taur, qui la relie à la place du Capitole, a vu non seulement le saint écartelé par des taureaux, d'où son nom, mais aussi les réfugiés espagnols y séjourner après la Retirada. Dans l'actuelle Cinémathèque, ancien bureau de bienfaisance, subsiste une fresque peinte par ces républicains, révolutionnaires inscrivant dans leurs œuvres picturales les paroles de l'Internationale.
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Basilique romane Saint-Sernin et fresque des réfugiés espagnols rue du Taur, dans l'ancien bureau de bienfaisance devenu Cinémathèque : "demain l"Internationale sera le genre humain" sur la banderoles des angelots [Photos YF]
Le Centre de Soins, à l'ombre d'un lycée, dans une ruelle populaire, a pour toute indication sur la porte d'entrée : "c'est ici". Et ici on accueille des étudiants et lycéens (à partir de 16 ans) de jour et 5 de nuit. La file active sur l'année comprend 460 patients. L'équipe soignante est composée de 10 infirmiers, d'une éducatrice spécialisée, d'un agent des service hospitalier, et des temps partiels de psychologue, d'assistante sociale, de secrétaire, de médecin et de 5 psychiatres. Deux répétitrices (en littérature et en science) soutiennent les pensionnaires dans leurs études. Le lieu est chaleureux, il dispose d'une cour et d'un jardin. L'emplacement permet un accès facile pour tous, en bus ou en métro.
La maison mère est l'Hôpital Marchant qui dispose de 350 lits et de quelques structures externes dont le Centre de Post-cure Maignan, lui aussi menacé, dont j'ai déjà parlé ici (1).
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On l'aura compris, l'activité de ce centre s'inscrit dans la politique de sectorisation de la psychiatrie, c'est-à-dire dans une démarche qui consiste à instaurer une pratique de soins au plus près de la population, en évitant autant que faire se peut l'internement, l'enfermement, et en fondant l'efficacité du soin essentiellement sur la qualité de la relation thérapeutique (y compris avec un soutien médicamenteux si nécessaire).
L'équipe soignante est en lien avec de nombreux partenaires (infirmières scolaires, médecins traitants, service universitaire de santé, etc…), dont certains sont à l'origine de l'orientation du jeune sur le centre.

Les patients présentent des troubles du comportement, parfois sévères (2), relevant le plus souvent de la psychose, parfois d'une dépression, sans pour autant qu'ils soient empêchés de mener une vie (presque) normale. Certains sont issus de l'immigration, de tous les coins du monde, y compris des sans-papiers. Cette installation de soins hors les murs permet de faciliter l'accès aux soins, d'assurer un suivi thérapeutique et de favoriser une vie sociale dans la cité. La plupart suivent leur scolarité en lycée ou leurs études à l'Université, et s'y accrochent. Ils ne sont pas enfermés et peuvent à tout moment sortir (quitte à être incités à ne pas le faire quand ils vont très mal). La jeunesse de ces patients fait que leurs pathologies sont évolutives et que l'accompagnement thérapeutique ne consiste pas à gérer un quotidien installé mais à soigner réellement, avec l'espoir, dans bien des cas, d'amélioration.  L'accueil de nuit permet aux jeunes d'éviter des décompensations plus graves comme des passages à l'acte à l'encontre d'eux-mêmes ou d'autrui, d'éviter des bouffées délirantes, des tentatives de suicide. La structure est un ensemble patchwork regroupant centre médico-psychologique (CMP), hôpital de jour, centre de post-cure (CPC), centre d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) et hospitalisation de nuit.

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