vendredi 3 juillet 2015

Lycéens sans papiers : l’administration à l’ère de la défiance

Le Monde Festival

LE MONDE CULTURE ET IDEES | 02.07.2015 | Par Marie Desplechin (Ecrivain)

La France offre (encore) cette particularité : papiers ou pas, tous les mineurs qui sont sur le territoire national peuvent être inscrits dans ses établissements scolaires et prétendre à une prise en charge matérielle, administrée par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Au lycée professionnel Hector-Guimard, dans le 19e arrondissement de Paris, ils étaient 70 à la rentrée 2014, des garçons venus seuls d’Afrique, du Moyen-Orient, du Maghreb (globalement, les garçons représentent plus de 80 % des jeunes sans-papiers). Une nation riche (sixième rang mondial) forme des jeunes gens dans le dénuement à des professions dont elle a grand besoin : jusque-là, tout est parfait.

Mais le tableau se brouille rapidement. Avoir 17 ans ne dure pas toujours. Le jour arrive vite où l’on en a 18. L’ASE retire alors ses billes. Inutile d’insister, elle est aux abonnés absents. Fin du fin du logement et des repas. Bienvenue dans la rue. Il y a une autre façon de se retrouver réduit à rien, et sans attendre ses 18 ans. Il suffit de voir sa minorité mise en doute.
Se réclamant d’abus, l’administration, qui a érigé le soupçon en politique, dispose de toute une panoplie de moyens pour ce faire : les entretiens à charge conduits par les « accueillants », la déclaration de non-conformité des papiers présentés, l’examen médical et les tests osseux. Qui prétend avoir 17 ans semblerait en avoir 19… L’autorité défiée retire son aide et se donne le temps de la réflexion. La loi prévoit bien qu’une solution doit être proposée dans les huit jours. Mais dans les faits, l’attente peut durer des mois. Bénéfice secondaire de l’opération : en traînant un peu, le prétendu mineur finira par se retrouver réellement majeur. Alors l’Etat aura pour lui une solution toute faite : l’OQTF (Obligation à quitter le territoire français).

Soupçonnés de fraude

Sur les trente-cinq cas de « jeunes majeurs isolés » cette année à Guimard, quinze étaient d’anciens mineurs parvenus à la majorité, les vingt autres étant soupçonnés de fraude par la structure chargée de les recevoir, la Paomie (Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs étrangers isolés). Mais dès lors qu’on a commencé des études, n’existe-t-il aucun dispositif pour les continuer normalement ? Eh bien, si. Créé en 1974, le contrat jeune majeur prévoit d’accorder une assistance, un logement et un petit pécule (un peu moins de 500 euros) entre 18 et 21 ans. Il concerne tous les jeunes gens, sans condition de régularité de situation. Seulement voilà, cette aide départementale est attribuée au bon vouloir des conseils généraux. Résultat : « Je n’ai pas vu un seul contrat jeune majeur cette année », constate Benoît Boiteux, le proviseur d’Hector-Guimard.


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