mardi 27 janvier 2015

Mort-nés, l’impensable

 21/01/2015
La mort fait partie du cours inéluctable de l’existence. Mais contrairement à une apparence trompeuse rappelée par la Marquise du Deffand (« Le fâcheux, c’est d’être né et l’on peut dire de ce malheur-là que le remède est pire que le mal. ») ou par Cioran (« Ne pas naître est sans contredit la meilleure formule qui soit. Elle n’est malheureusement à la portée de personne. »), le déroulement habituel des événements « du berceau à la tombe » est parfois bousculé d’emblée, la mort venant frapper dès la naissance, voire dès la vie intra-utérine. Pédopsychiatre et psychanalyste, le Dr Soubieux nous invite à réfléchir sur « l’indicible, l’impensable », la question du deuil périnatal.

Ce thème est d’autant plus complexe qu’il s’apparente à un oxymoron (« mort prénatale»), tant la mort et la naissance semblent a priori des concepts antagonistes. Si douloureux que soit un décès en gériatrie, on se dit qu’il reste du moins dans l’ordre des choses, venant conclure une existence déjà accomplie. Mais cette consolation philosophique ne tient plus dans la perte d’un enfant, à peine né ou lors d’un avortement, car sa disparition semble porter une auto-contradiction intrinsèque et déranger la logique de la chronologie : comment penser la mort préalable à la naissance, ou dans sa foulée immédiate ?
Le Dr Soubieux rappelle qu’un deuil périnatal concerne « toute la famille », et pas seulement les parents. On connaît ainsi les conséquences possibles d’un tel décès sur l’enfant (qualifié parfois « de remplacement ») venant lui succéder, l’impact du « roman familial » pouvant même se ressentir de façon transgénérationnelle.
L’expérience de l’auteur la conforte dans « la nécessité absolue d’offrir un accompagnement spécifique aux couples qui s’engagent à nouveau dans le processus de parentalité. »
Et, au-delà des interrogations sur le travail de deuil, cette situation est pour l’auteur l’occasion de « s’interroger de manière plus approfondie sur la problématique de la parentalisation et le processus d’humanisation, toujours à l’œuvre dans ces situations. » Et de témoigner sur « la force de vie qui habite ces couples » capables de rechercher « au plus profond d’eux-mêmes » les forces pour « retrouver le vivant et déployer leur créativité psychique. »   
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Soubieux MJ : Le deuil périnatal, un impensable à penser. Le Carnet PSY, 2014;185: 22–24.

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