mercredi 21 janvier 2015

La tête des mauvais jours

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO  | Par 


Il faut écrire son nom en entier car l’homme est respectable. Professeur de psychologie à la Coastal Carolina University (Conway, Caroline du Sud), Terry F. Pettijohn II se passionne, depuis une quinzaine d’années, pour la relation complexe pouvant exister, aux Etats-Unis, entre les conditions socio-économiques, la popularité des mannequins, actrices, chanteurs et la composition des traits de leur visage. Vous ne voyez pas le rapport ? C’est que vous ne connaissez pas l’« hypothèse de la sécurité environnementale », émise en 1999 par le professeur Pettijohn et son confrère Abraham Tesser.

Cette théorie dit que, quand les menaces « environnementales » s’accumulent – comprendre : quand le climat socio-économique ambiant se dégrade –, les gens préfèrent les personnalités au visage « rassurant », exprimant indépendance, force, expertise, maturité, voire domination et ruse. Ce qui se traduit par une figure plutôt émaciée, de petits yeux, un menton proéminent. A l’inverse, quand la prospérité et l’insouciance sont au coin de la rue, on privilégie les proportions du corps juvéniles, des traits poupins – grands yeux, joues rebondies, menton discret –, signes de chaleur, de gentillesse, de candeur et d’honnêteté, quand ce n’est pas d’une certaine naïveté. La tête de Oui-Oui, quoi.

Par le passé, Terry F. Pettijohn deuxième du nom a cherché à plusieurs reprises confirmation de son hypothèse. Il lui a fallu d’abord rassembler un assortiment d’indicateurs socio-économiques – taux de chômage, revenus, prix à la consommation, taux de mortalité et de fécondité, de mariage et de divorce, de suicide et d’homicide – pour créer son indice des temps difficiles, négatif dans les « trente glorieuses », positif après les crises pétrolières ou celle des subprimes.

Puis, dans une étude publiée en 2004 par le Personality and Social Psychology Bulletin, il a tenté de corréler cet indice avec les mensurations physiques et le visage des… playmates de l’année élues par le magazine masculin Playboy de 1960 à 2000. On imagine la conversation le soir à table : « Qu’as-tu fait au labo aujourd’hui, mon chéri ? – Euh, j’ai travaillé sur des photos de femmes nues, pour mesurer la surface de leur menton et de leurs yeux. Je peux ravoir du chou-fleur ? » Même si les résultats ne sont pas spectaculairement significatifs, il semblerait que les pin-up poupardes se distinguent dans les ères fastes. Même chose pour les 85 actrices américaines les plus populaires de la période 1932-1995 dont le psychologue a disséqué le visage, ainsi que le relate un article paru en 1999 dans la revue Media Psychology.

Mr Pettijohn vient de frapper de nouveau, dans une étude publiée par Current Psychology dans son numéro de décembre 2014Cette fois-ci, il s’est intéressé à la trombine des chanteurs de country ayant, entre 1946 et 2010, terminé en tête du classement établi par le magazine Billboard sur la base du nombre de disques vendus et du nombre de passages sur les ondes radiophoniques. L’exercice se corse un peu car il arrive que soient consacrés… des groupes et non des individus. Qu’à cela ne tienne, notre chercheur mesure les particularités du visage de chaque musicien et fait, très pragmatiquement, une moyenne. Cette fois les artistes sont en très grande majorité des hommes mais cela n’a pas l’air d’ébranler l’« hypothèse de la sécurité environnementale ». Aux joufflus, aux mafflus, le succès pour les époques bénies. Tandis que, les années de vaches maigres, les chanteurs le sont aussi.



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