dimanche 19 octobre 2014

Un fol-en-Christ, saint patron des malades mentaux

Publié le 10/10/2014

Quel rapport entre la psychiatrie et la ville d’Homs en Syrie, au cœur de l’actualité tragique dans ce pays, depuis 2011 ?The British Journal of Psychiatry rappelle qu’au VIème siècle après J.C, Syméon Salos (ou Salus), dit aussi « Le Fou en Christ » (ou Syméon le Saint Fou) vécut dans cette ville, alors dénommée Émèse. Or l’hagiographie de ce personnage (particulièrement pittoresque) partage « certains symptômes de maladies mentales » qui lui ont valu de devenir le « saint patron des fous. »

Longtemps anachorète ou presque (il aurait vécu 29 ans dans le désert en compagnie d’un unique ami), il se rend ensuite dans la ville d’Émèse, ayant « ressenti l’appel divin pour sauver les âmes. » Mais dès son arrivée, il se fait remarquer par des enfants qui crient « Hé, c’est un moine fou ! » car il traîne derrière lui le cadavre d’un chien trouvé sur un tas de fumier. Puis il se conduit bizarrement, en perturbant l’office par ses troubles du comportement : il éteint les chandelles et jette des noix sur les femmes de l’assistance. Expulsé de l’église, il ne trouve alors rien de mieux à faire que de renverser les étals des pâtissiers installés à proximité, ce qui lui vaut une sérieuse correction infligée par ces artisans courroucés !

S’il partage avec d’autres saints des traits religieux (imiter le Christ, susciter des conversions au christianisme, « chasser les démons », « posséder le don de prophétie », opérer « des miracles, des bienfaits et des exorcismes »), d’autres traits le rapprochent singulièrement des troubles psychiatriques. Par exemple, il a « des comportements erratiques sans précédent » pour un saint : provoquer des scandales publics, se goinfrer dans les tavernes, faire ses besoins devant tout le monde, faire semblant de violer une femme. Son extravagance le conduit à fréquenter des prostituées, à marcher nu dans la rue, à déranger des femmes pendant qu’elles prennent leur bain… Cette excentricité semble « compatible avec une maladie mentale grave » mais sa réputation a donc transcendé cette altérité pour faire de lui le saint patron des fous, ses hagiographes attribuant à un « plan de Dieu et de sa propre volonté » le fait que, de son vivant, « nul ne puisse voir sa sainteté, mais au contraire que tous le méprisent. »
Si cette vie tourmentée fut certainement préjudiciable pour sa tradition iconographique[1], elle contribua en revanche à mieux le rapprocher de ceux qu’il représente : les malades mentaux.
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Espí Forcén F et Espí Forcén C: Symeon the Holy Fool: patron of the mentally ill. Br J Psychiatry 2014 ; 205: 94.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire