mercredi 6 août 2014

Schizophrénie et troubles de la parentalité : la théorie de l’esprit

09/04/2014


Traduisant en gros « la faculté d’imaginer les états mentaux (pensées, émotions, intentions) d’autrui et de soi-même, la théorie de l’esprit [1]  résulte de travaux d’éthologie sur les chimpanzés, vers 1978. Elle fut ensuite appliquée à la cognition humaine (notamment par Simon Baron-Cohen, Alan M. Leslie et Uta Frish), avec des apports en psychiatrie concernant surtout l’autisme et la schizophrénie. En théorie de l’esprit, ces pathologies impliqueraient des déficits pour se représenter l’autre à sa propre image, cette méconnaissance des états mentaux de l’interlocuteur préludant aux difficultés d’adaptation sociale des patients. Réalisée par le Département de Psychiatrie de l’Institut de Santé Mentale et de Neurosciences de Bangalore (Inde), une étude évalue ainsi la « déconstruction cognitive du fonctionnement parental dans la schizophrénie », à la lumière de la théorie de l’esprit. Exploitant les données d’une enquête plus vaste sur les facultés de cognition sociale chez 170 schizophrènes en rémission, cette étude s’intéresse aux 69 sujets ayant des enfants (âgés en moyenne de 11,8 ans ± 6,2 ans). En raison de leur maladie, ces personnes éprouvent « des déficiences dans plusieurs rôles fonctionnels. » En particulier, leur aptitude à la parentalité peut se trouver affectée par « des réponses émotionnelles défaillantes, une incapacité à favoriser l’intimité, ou à afficher l’affection. »

Finalité de cette recherche : avoir une meilleure compréhension des compétences parentales de sujets schizophrènes, afin de « mieux orienter les stratégies de traitement. » Les auteurs ont notamment examiné l’association du fonctionnement parental (implication active dans le rôle de parent et possibilité de nouer des relations affectives) avec les performances cognitives, le niveau de compréhension et de motivation.
La théorie de l’esprit comporte la capacité d’adopter une perspective permettant de considérer le point de vue d’autrui, selon une élaboration mentale en deux niveaux. Le niveau 1 concerne la possibilité d’adopter la perspective visuelle d’autrui (c’est-à-dire de comprendre quel objet peut voir (ou non) un autre individu ayant une perspective différente de la nôtre) et le niveau 2 se rapporte à un processus d’ordre supérieur, la compréhension du fait que si d’autres voient un objet d’un point de vue (physique) différent, ils doivent percevoir ce même objet autrement que nous.
Cette étude confirme l’existence de déficits du premier et du second niveau. Et ces déficits du second niveau (comme d’autres portant sur la vitesse de traitement de l’information, la flexibilité cognitive et la motivation) sont « associés de façon significative avec un dysfonctionnement de la parentalité. » Dans un modèle de régression logistique[2], le niveau 2 de la théorie de l’esprit émerge comme « prédicteur spécifique » des troubles de la parentalité. Par conséquent, il semble envisageable d’améliorer le fonctionnement parental de patients schizophrènes grâce à de « nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant la théorie de l’esprit. »
Dr Alain Cohen

RÉFÉRENCES
Mehta UM et coll.: Cognitive deconstruction of parenting in schizophrenia: the role of theory
of mind. Aust N Z J Psychiatry, 2014; 48: 249–258.

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