mardi 8 juillet 2014

« Le Tiers Etat et la gratuité des soins »

Tribune libre
mardi 8 juillet 2014
Dans une tribune libre sur le thème de la gratuité des soins, le Dr. Jean-François Reverzy explique quels sont les effets de cette conquête sociale dans le secteur de la santé mentale.
L’annonce par Marisol Touraine d’une réforme de la Santé instaurant le tiers Payant généralisé n’est pas sans poser des questions de fonds. L’annonce même par les médias de la formule : les malades n’auront plus à payer leur médecin ouvre un débat.

Le médecin et l’argent

J’ai défendu des le début de ma formation et je défends toujours la gratuité des soins. Cette position était déjà celle de mon père, médecin généraliste mort en 1959. Il fut qualifié alors, lors de ses obsèques, de "médecin des pauvres", épithète justifiée : officiant dans un quartier misérable du Lyon de l’après guerre, la majorité de sa clientèle était bien incapable de lui verser le moindre honoraire. Ecrivain reconnu, il écrivit en 1955, dans la revue "Les temps modernes" que dirigeait Jean Paul Sartre, un court article "Le médecin et l’argent". Dans ce texte, il pointe comme un drame en quatre actes le déroulement de l’acte médical dont le dernier acte pose un embarras partagé par le médecin et le patient au moment du paiement de la consultation. Il décrit ce contraste entre le lien quasi sacerdotal qui unit le médecin et le patient, et l’intrusion du commerce d’argent comme une chute, cependant inévitable.

En psychiatrie et en psychanalyse

Lors de ma formation, j’ai pu être confronté des 1970 à deux doctrines : celle alors majoritaire des psychiatres des hôpitaux - la corporation était alors très marquée par les positions de politique de santé du parti communiste - défendant une gratuité totale des actes. Cette orientation mit sur pied le dispositif de la psychiatrie publique actuelle et a instauré pour les patients une gratuité des prises en charge notamment en ambulatoire. A noter une réalité sous jacente, au delà de l’idéologie : la psychiatrie publique fut crée d’abord au titre de l’hygiène publique et de la prévention des maladies contagieuses et dangereuses. La gratuité des consultations en CMP vient de là.
Le monde psychanalytique était par contre partagé entre les défenseurs d’une valeur fondamentale du paiement de l’acte analytique (selon la formule célèbre de Jacques Lacan, il marque la chute ou le désêtre de l’analyste par son effet de réel) et d’autres, qui suivant le célèbre discours de Freud à Budapest en 1920, prônaient la gratuité de l’accès à la psychanalyse.


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