lundi 23 juin 2014

L’autisme vu de l’intérieur

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | Par 

Temple Grandin vient de publier "Dans le cerveau des autistes" (Odile Jacob, 253 p., 23,90€)

 A quoi ressemble le cerveau des autistes, et surtout comment fonctionne-t-il ? De nombreux livres écrits par des médecins et des chercheurs s’attellent à ces questions. Parallèlement, des autistes de haut niveau comme Daniel Tammet, Josef Schovanec ou encore Hugo Loriot apportent aussi, par le récit de leur vie, des pièces décisives à ce puzzle de la science.
Dans son dernier ouvrage, qui vient d’être traduit en français, Temple Grandin livre une vision mixte, à la fois très documentée sur le plan scientifique et très personnelle. Universitaire spécialisée en zootechnie, diagnostiquée autiste à 4 ans, cette Américaine est devenue un symbole en racontant son parcours dans Ma vie d’autiste, paru en 1994 (Odile Jacob).
Son nouvel essai-témoignage est d’autant plus passionnant qu’elle a vécu de l’intérieur tous les bouleversements dans le diagnostic et la compréhension de sa maladie. « J’ai de la chance d’être née en 1947. (…) Le diagnostic d’autisme n’avait que quatre ans. Presque personne ne savait ce que c’était », écrit-elle en racontant que sa mère avait alors fait ce qui lui semblait bon : l’emmener chez un neurologue, qui a évoqué des « lésions cérébrales »La petite Temple a été prise en charge par un orthophoniste et une nounou qui ont eu une approche« identique à celle des thérapeutes comportementalistes actuels ».

CONTRE L’ÉTIQUETAGE DES PATIENTS
« A peine dix ans plus tard, un médecin serait certainement parvenu à un diagnostic totalement différent. Après m’avoir examinée, il aurait dit à maman : “C’est un problème psychologique, tout est dans la tête.” Et il m’aurait envoyée dans une institution. » Non sans humour, Temple Grandin retrace les principales évolutions de la conception de l’autisme à travers les éditions successives du DSM, la très critiquée classification américaine des maladies mentales. Particulièrement réservée sur la dernière en date, le DSM-5, qualifiée de « recueil de diagnostics pour bureaucrates », l’auteure s’insurge plus généralement contre l’étiquetage des patients.
Selon elle, c’est en fonction de symptômes, et non d’un diagnostic, qu’il faudrait les regrouper pour axer les recherches. « Les chercheurs devraient cesser de mépriser les témoignages et commencer à les étudier très attentivement », préconise Temple Grandin. Elle s’étonne aussi du peu de travaux sur l’hypersensibilité sensorielle, pourtant omniprésente dans l’autisme, et très handicapante.
Temple Grandin appelle enfin les spécialistes, les parents et les principaux intéressés, à ne pas voir uniquement les difficultés, mais aussi les atouts que peu conférer ce fonctionnement singulier du cerveau. Ce livre captivant le confirme, les patients peuvent devenir de véritables experts, et des partenaires précieux pour les chercheurs.

Dans le cerveau des autistes, de Temple Grandin et Richard Panek (Odile Jacob, 253 p., 23,90 €).


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire