samedi 19 avril 2014

L'empreinte féminine sur la sculpture

LE MONDE | Par 

Une sculpture de Joana Vasconcelos.
Une sculpture de Joana Vasconcelos. | DR

A Avignon, les femmes ne jouent pas les Arlésiennes. Outre la remarquable exposition "Les Papesses", qui met en majesté, à la Fondation Lambert et au Palais des papes (Le Monde du 16 juillet), cinq sculptrices – Camille Claudel, Louise Bourgeois, Kiki Smith, Jana Sterbak et Berlinde De Bruyckere –, deux autres manifestations rendent hommage à ces artistes que leur sexe a longtemps tenues éloignées, non seulement des écoles d'art, où il n'était pas question qu'elles risquent d'entrevoir un modèle nu, mais aussi de l'histoire de l'art tout court.
L'inventeur de la discipline, Giorgio Vasari, dans ses Vies publiées en 1550, n'en répertorie "que quatre sur les deux cents artistes marquants de son temps, dont une seule sculptrice, Properzia de Rossi", rappelle utilement Valérie de Maulmin dans le catalogue qui accompagne l'exposition "Sculptrices" qu'organise à L'Isle-sur-la-Sorgue la villa Datris.

FONDATION POPPY ET PIERRE SALINGER
Cette fondation, consacrée à la sculpture contemporaine, en réunit, elle, pas moins de soixante-huit. A quelques kilomètres de là, dans la commune du Thor, la Fondation Poppy et Pierre Salinger en montre treize, dans le parc de la bastide où le célèbre journaliste américain termina ses jours.
On retrouve Camille Claudel, Louise Bourgeois et Kiki Smith à la villa Datris, mais aussi quelques noms qui ont marqué la sculpture du XXesiècle, comme Katarzyna Kobro, Germaine Richier – César, quand on refusa d'installer ses premières compressions au Salon de mai en 1960, aurait dit : "la seule qui peut en juger, c'est Germaine..." –, Louise Nevelson, Meret Oppenheim, Alicia Penalba, Marta Pan ou Niki de Saint Phalle.
Mais si l'exposition d'Avignon est centrée sur la représentation du corps, et pas toujours féminin, celles-ci sont bien plus diverses. Les femmes ont envahi tous les domaines de la sculpture et ont été partie prenante de tous les grands mouvements artistiques du XXe siècle : le constructivisme avec Kobro, le surréalisme avec Oppenheim, l'abstraction géométrique avec Geneviève Claisse, Marta Pan, Beverly Pepper, Parvine Curie ou Marie Morel, le cinétisme et l'optical art avec Marina Apollonio, Anne Blanchet, Martha Boto, mais aussi des travaux plus conceptuels avec Claire-Jeanne Jézéquel ou Agnès Thurnauer (toutes deux à la Fondation Salinger).
ANNETTE STREYL, JOANA VASCONCELOS, ALICE PILASTRE
Elles y ont aussi adapté et détourné des techniques que la société voulait leur imposer : le tricot (Annette Streyl l'utilise pour construire d'étonnants immeubles de laine), le crochet (Joana Vasconcelos), la dentelle (Alice Pilastre l'utilise à la place du carton perforé pour partition de boîtes à musique), voire les arrangements floraux, si on peut définir ainsi l'œuvre exposée à la villa Datris de Camille Henrot, récente lauréate de la Biennale de Venise, une pièce de la série "Est-il possible d'être révolutionnaire et d'aimer les fleurs ?"...
Cette profusion peut parfois virer à la confusion dans le parcours des expositions, et c'est sans doute le seul défaut qu'on puisse y trouver. Par contre, elles offrent aussi quelques jolies découvertes, comme le fragile (rien de condescendant là-dedans, mesdames !) et beau travail de Pauline Guerrier, ou le béton chantant de Milène Guermont. On s'étonne de s'en être étonné : sculpture, statuaire (et peinture aussi, pendant qu'on y est) ne sont-ils – on a failli écrire "elles" – pas des mots féminins ?

Sculptrices, Villa Datris, 7, avenue des Quatre-Otages, L'Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). Tél. : 04-90-95-23-70. Du vendredi au dimanche, de 11 heures à 18 heures, jusqu'au 11 novembre. Entrée libre. Catalogue 160 p., 29 €.
The Dream Shall Never Die, Fondation Poppy et Pierre Salinger, La Bastide Rose, 99, chemin des Croupières, Le Thor (Vaucluse). Tél. : 04-90-02-14-33. Tous les jours sauf mardi, de 14 h 30 à 18 h 30, jusqu'au 14 octobre. Entrée 6 €.

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