samedi 1 février 2014

IVG : mépriser le droit des européennes c’est condamner l’Europe de demain

25/01/2014



Paris, le samedi 25 janvier 2014 – Serait-on revenu aux années 70 ? La défense de l’avortement est sur toutes les lèvres. Cette semaine, à l’Assemblée nationale, les députés se sont offerts un petit retour (édulcoré) en arrière en se penchant sur la rédaction de la loi Veil que beaucoup sans doute avaient oubliée. C’est ainsi que l’on s’est intéressé à l’opportunité de revenir sur la notion de « situation de détresse » qui figurait dans le texte initial. Le terme a finalement été supprimé modifiant sans doute quelque peu l’esprit de la loi : elle n’est désormais plus seulement une disposition destinée à soustraire les femmes souhaitant avorter aux risques sanitaires de la clandestinité, elle est l’affirmation de la liberté des femmes à disposer de leurs corps. Sur le terrain, outre éventuellement un « changement de regard », l’évolution sera sans doute inexistante, la mise en évidence de sa situation de détresse n’étant exigée aujourd'hui d’aucune femme pour pouvoir avoir accès à l’avortement. Si bien sûr, le débat a réveillé les velléités de quelques opposants historiques à l’IVG, la nature des discussions en France montre bien qu’est inenvisageable (et inenvisagé) un quelconque retour en arrière. Dans d’autres pays, pourtant, ce phénomène n’est pas une utopie, comme en Espagne mais également dans plusieurs autres états, comme nous le rappelle le secrétaire général du Planning familial, Marie-Pierre Martinet. Après un passage en revue des initiatives gouvernementales et législatives qui inquiètent aujourd’hui les "défenseurs" de l’avortement, elle émet l'hypothèse selon laquelle les raisons pour lesquelles cette pratique est aujourd’hui contestée demeurent les mêmes qu’hier. Une défense vigoureuse, qui bien sûr ne sera pas partagée par tous nos lecteurs mais qui rappelle l’importance du sujet. Le débat est ouvert sur JIM.
Par Marie-Pierre Martinet, secrétaire général du Planning familial
Le projet de loi espagnol visant à restreindre drastiquement l’accès à l’avortement suscite (à juste titre) inquiétudes et mobilisations au-delà même de la péninsule ibérique. Faut-il y voir l’initiative isolée d’un pays à majorité conservatrice ou l’expression d’une dynamique de remise en cause plus globale des droits des femmes à l’œuvre en Europe ?

Probablement les deux. En septembre 2011, Le Planning Familial publiait une tribune «Les droits des femmes sont remis en cause par ses forces conservatrices en Europe ? » où y étaient décrites les diverses initiatives en Europe visant à restreindre ces droits. Le droit à l’avortement cristallisant à lui seul toutes les oppositions.
Ces initiatives, relevant d’un retour à l’ordre moral, étaient alors présentées au nom de contraintes économiques. Les femmes, véritables variables d’ajustements économiques, étaient affaiblies vis-à-vis de l’opinion publique, ouvrant la voie à toute justification politique de remise en cause de leurs droits civiques, sociaux et économiques.

Le droit à l’avortement menacé dans plusieurs pays d’Europe

Trois ans après, une étape supplémentaire est désormais franchie. Les oppositions ne tiennent plus à se cacher (se justifier ?) derrière ces arguties économiques. Les restrictions et interdictions d’accès à l’avortement pour les femmes traduisent la place que les forces rétrogrades, conservatistes et idéologues, leur accordent dans les sociétés au mépris du plus élémentaire des droits humains celui du respect de la dignité des personnes !
Sinon comment interpréter l’interdiction en Russie depuis novembre de toute information sur l’avortement ou de vouloir conditionner l’accès à l’avortement à une demande écrite et à l’approbation du mari ou des parents (comme c’est le cas en Roumanie) ? Restrictions d’accès que le Président Poutine souhaite étendre à la délivrance de la contraception d’urgence...
Comment analyser la décision de la Macédoine en juin 2013 de compliquer les procédures d’accès à l’avortement alors que depuis 1977 la législation y était libérale en ce domaine ? Ou celle de la Lituanie dont le parlement doit se prononcer prochainement pour se rapprocher des dispositions en vigueur en Pologne, pays déjà condamné par deux fois par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour ne pas avoir respecté ses propres limitations d’accès ?
Comment comprendre les difficultés rencontrées pour accéder à un avortement dans les pays où la loi n’est, a priori, pas restrictive ? En Belgique ou en France, le nombre de médecins pratiquant les IVG se réduit ainsi que les centres IVG, limitant de fait l’accès. En Italie, une très large majorité d’entre eux invoque la clause de conscience pour ne pas pratiquer les IVG. Quant au Luxembourg, qui vient d’étendre sa loi, l’accès reste, en pratique, difficile.
L’Irlande a pour sa part revu légèrement sa législation en autorisant l’avortement si et seulement si la poursuite de la grossesse représente « un risque réel et substantiel » pour la mère mais c’est au prix du décès d’une jeune femme. A noter que, comme la Pologne, ce pays a été par deux fois condamné par la CEDH.
Quant à Malte ou en Andorre, l’avortement y est toujours interdit sauf en de viol ou malformation fœtale et la Suisse doit se prononcer le 9 février prochain sur la proposition d’initiative citoyenne de déremboursement de l’avortement par l’assurance maladie comme c’est le cas en Autriche.

Pourquoi l’avortement fait-il si peur ?

L’avortement, par cette possibilité qu'il donne aux femmes de poursuivre ou non une grossesse non souhaitée, remet en cause l’ordre établi. Il fait tant vaciller le socle sur lequel nos sociétés se sont construites que dans cette période aux perspectives floues, il permet aux conservateurs, nostalgiques et autres moralisateurs de remettre en cause ces acquis si chèrement payés.
Non, les femmes ne sont pas ces « pauvres choses inconséquentes ». Oui, il y a un intérêt majeur à permettre cet accès aux droits génésiques à toutes les femmes, sans discrimination, ici et partout dans le monde. Interdire n’est pas prévenir, permettre n'est pas inciter.
Les lois légalisant l'avortement doivent être appliquées et non être remises en cause. Il est plus qu'urgent que toutes celles et ceux qui luttent pour le droit de choisir et l'élargissement des législations sur l'avortement soient soutenus, défendus et se rejoignent dans un élan de solidarité sans précédent.
Aujourd’hui, la situation en Espagne justifie à elle seule soutien et mobilisation d’autant que le ministre de la justice souhaite que son initiative trouve un écho dans d’autres parlements européens.
Les femmes ont avorté et avorteront, même si elles risquent la prison ou la mort, même humiliées, culpabilisées. N’en déplaise, elles n’en « crèveront » pas de honte et de culpabilité, elles ne veulent pas du retour des aiguilles à tricoter !

C’est un enjeu démocratique, de respect de la dignité humaine et de santé publique.
RÉFÉRENCES
Pour aller plus loin : 
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/09/20/les-droits-des-femmes-sont-remis-en-cause-par-des-forces-conservatrices-en-europe_1575013_3232.html
http://www.planning-familial.org/actualites/le-droit-lavortement-regresse-en-macedoine-0010608

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