jeudi 16 janvier 2014

Du temps et de l'argent pour enseigner autrement en ZEP

Le Monde.fr | 
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Vincent Peillon a présenté en conseil des ministres, mercredi 15 janvier, les grandes lignes de sa réforme des zones d’éducation prioritaires (ZEP).
Vincent Peillon a présenté en conseil des ministres, mercredi 15 janvier, les grandes lignes de sa réforme des zones d’éducation prioritaires (ZEP). | AFP/PATRICK KOVARIK

Un doublement de l’indemnité pour travailler en zone d’éducation prioritaire, du temps pour se former et pour travailler en équipe… Vincent Peillon a présenté en conseil des ministres, mercredi 15 janvier, les grandes lignes de sa réforme des zones d’éducation prioritaires (ZEP). Une refondation qui devenait urgente tant les établissements classés en ZEP décrochent du système général, entraînant avec eux les 20 % d’élèves qu’ils scolarisent. L’intégralité du nouveau dispositif sera rendu public jeudi mais on sait déjà que les nouveautés se déclinent sous trois angles : aider les enseignants, aider les élèves, améliorer l’environnement éducatif.
Des professeurs valorisés. En ouvrant ses discussions sur le métier d’enseignant, en novembre 2013, Vincent Peillon avait posé une question cruciale : « Où est la difficulté à enseigner aujourd’hui ? » Pour lui, il allait de soi qu’il fallait reconnaître que les enseignants exerçant dans les zones les plus difficiles avaient des besoins particuliers. M. Peillon leur propose du temps et de l’argent.

Il a en effet précisé en conseil des ministres que « dans l’ensemble de l’éducation prioritaire, les indemnités d’exercice spécifiques seront substantiellement revalorisées jusqu’à être doublées dans les situations les plus difficiles ».  Aujourd’hui, la prime ZEP est d’environ 100 euros par mois.
Il a par ailleurs ajouté que « les enseignants des 350 réseaux les plus difficiles bénéficieront d’un temps pour se former, travailler en équipe et développer les relations avec l’élève et sa famille. Associé à un renforcement de l’accompagnement des nouveaux personnels et des équipes, un grand plan de formation continue contribuera enfin à enraciner une véritable culture du collectif. Enfin, quant au déroulement de carrière, le fait d’avoir exercé en éducation prioritaire constituera un critère d’éligibilité au grade à accès fonctionnel en cours de définition. »
Les enseignants devraient donc bénéficier d’une décharge qui pourrait être de deux heures dans leur service d’enseignement afin de travailler en équipe. Aujourd’hui, le métier de professeur du secondaire est défini par l’obligation de dispenser 18 heures de cours hebdomadaire. Ce service pourrait bien être réduit à 16 pour les enseignants de ZEP. La question qui reste en suspens est celle du calendrier. Une centaine d’établissements seront concernés à la rentrée à titre expérimental, mais on ignore encore comment se fera la montée en puissance au sein des 350 établissements Eclair (c'est-à-dire le label qui recoupe les établissements ZEP les plus en difficulté). La réponse n’est pas apportée par le communiqué du Conseil des ministres.
Ces mesures visent à stabiliser les équipes alors que les établissements sont des plaques tournantes où sont nommés des jeunes enseignants. La progression des carrières se faisant de la banlieue vers le centre-ville, du nord du pays vers le sud, au fur et à mesure de l’accumulation de points. Il s’agit d’une reconnaissance que le métier d’enseignant est devenu pluriel et que les collèges de ZEP qui fonctionnent bien sont ceux dans lesquels l’équipe enseignante est stable. Mais pour que cela marche, il faudra que l’avancement permis pour enseigner en ZEP soit conséquent.
Des élèves mieux aidés. L’éducation prioritaire doit devenir« le lieu privilégié de l’innovation pédagogique », a précisé le ministre devant ses pairs lors du conseil des ministres. Le terrain avait devancé cette belle intention politique : face à la difficulté à enseigner les fondamentaux à des enfants dont les familles sont éloignées de l’école, les enseignants n’ont pas attendu la déclaration de cette volonté ministérielle pour enseigner autrement. L’intérêt de l’annonce, c’est qu’alors que les inspecteurs bloquent parfois les initiatives de terrains, l’enseignant innovant de ZEP pourra désormais se sentir« couvert » par son ministre.
Reste que le nœud du problème est plus globalement de faire entrer dans la culture scolaire le plus précocement des enfants qui ne bénéficient pas à la maison de la même chance que les fils de cadres supérieurs bercés aux jeux éducatifs et aux lectures d’albums. Il a ainsi été décidé que « la scolarisation des enfants de moins de trois ans sera assurée dans chaque réseau d’éducation prioritaire avec pour objectif un taux de scolarisation de 30% d’ici la fin du quinquennat ». Déjà maintes fois annoncée et répétée, cette mesure progresse très doucement sur le territoire puisque les premiers des 60 000 postes sont venus « réparer » les coupes de la mandature précédente avant de pouvoir apporter un « vrai plus » dans les écoles.
Un cadre plus scolaire. Par ailleurs, et c’est là encore un rappel plus qu’une nouveauté, « à l’école élémentaire, le dispositif « plus de maîtres que de classes » sera étendu progressivement au cours du quinquennat dans chacune des 7000 écoles de l’éducation prioritaire ». Il s’agit de permettre de prendre en charge la difficulté en lecture ou en calcul dès qu’elle apparaît, soit en CP ou en CE1.
En plus, et comme l’éducation prioritaire s’organise plutôt autour des collèges que des écoles, « dans tous les collèges de l’éducation prioritaire, les élèves de 6e seront pris en charge de façon continue jusqu’à 16 h 30 grâce à des recrutements d’assistants d’éducation permettant de leur proposer des activités pédagogiques et éducatives en petits groupes lorsqu’ils n’ont pas cours ».
L’idée, elle aussi maintes fois répétée, que le cadre scolaire est plus propice au travail que la cage d’escalier préside à cette mesure que vient compléter un dispositif lui aussi déjà connu – mais ciblé cette fois sur les 20% d’enfants des établissements ZEP – de développer « dans le cadre du programme des investissements d’avenir et en collaboration avec les collectivités locales, des internats de la réussite ». Une version élargie des internats d’excellence qui, eux, ne misaient que sur quelques jeunes méritants. Il ne reste qu’à les construire.

Le président de la République avait annoncé lors de sa conférence de presse de mercredi que « les mesures seraient d’une ampleur inédite ». le sont-elles vraiment ? A partir du moment où la carte des ZEP ne change pas, où il n’est pas possible d’entrer et de sortir du dispositif avec souplesse, peut-on, vraiment parler de« refondation » ? La réponse n’est pas évidente. On vit en effet sur un empilement de dispositifs dont il est très difficile de sortir. Sont classés ZEP des établissements qui ne le méritent plus, devraient entrer dans la classification d’autres collèges qui ne bénéficient pas de l’appellation et des moyens faut d’avoir fait un lobbying suffisant…

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