mardi 5 novembre 2013

Printemps sans poètes

PAR FRANÇOISE SIRI POÉTESSE, JOURNALISTE, CHRONIQUEUSE À LA REVUE CLÉS

Quel est le problème avec la poésie en France ? A l’école primaire, elle ne subsiste plus que sous l’étiquette «récitation». Pourquoi le Printemps des poètes, centre national de ressources de la poésie et association de poètes la plus importante, subit les plus sévères coupes dans sa subvention de l’Education nationale, passée en deux ans de 160 000 à 30 000 euros ? Le premier coup a été porté l’an dernier. Comme tant d’autres, j’ai signé la pétition (1). J’ai écrit au ministre, et j’ai reçu une réponse de son chef de cabinet, m’assurant de la «volonté totale de poursuivre et d’approfondir le partenariat entre le ministère de l’Education nationale et le Printemps des poètes pour les années à venir». Promesse en mars, trahison en septembre… Quand on pose le problème, les politiques répondent «c’est la crise». Celle-ci a bon dos, car le ministère de l’Education nationale a vu son budget augmenter.

Quelles seraient les fautes commises par l’association ? On ne peut pourtant pas lui reprocher son inactivité : le Printemps des poètes, en 2013, c’est 12 000 actions sur un an, dans plus de 60 pays, dont la Corée, la Chine, le Brésil, la Roumanie. Cette toute petite équipe tisse des liens de proximité, redonne envie aux écoles primaires de s’imprégner de poésie, à travers le label des «Ecoles en poésie» : déjà 60 en France et à l’étranger. Quel est donc le motif de la perte de la subvention ? Peur de la poésie, cette parole de résistance de tous les temps, qui nous rappelle que l’homme ne peut pas être réduit à une valeur marchande ? Peur de la poésie, qui nous éloigne de «la langue müesli» de notre quotidien, selon Roubaud ? Souhaiterait-on que la poésie soit défendue par des stars plus connues que Houellebecq ? Verra-t-on un jour un ministre prendre position pour défendre la nécessité absolue d’une connaissance de la sensibilité et de l’émotion poétiques, comme la clé invisible qui peut ouvrir à la compréhension des autres et du monde de demain, ce monde fut-il cent fois plus technologique, connecté et globalisé qu’aujourd’hui ? Le Printemps des poètes était une idée de Jack Lang. Qui aurait cru que cette idée allait mourir sous les coups d’un gouvernement socialiste ?

(1) www.petitions24.net /le_printemps_des_poetes_en_danger

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