mardi 22 octobre 2013

Les directeurs pourraient être obligés de motiver par écrit les soins sur demande d'un tiers



Un recours a été déposé devant le Conseil d'État contre plusieurs décrets d'application de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement. Suite aux conclusions du rapporteur public en audience, les directeurs d'établissement pourraient être obligés de motiver par écrit les mesures de soins sur demande d'un tiers.

Suite à un recours de l'association "Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie" (CRPA)* devant le Conseil d'État contre plusieurs décrets d'application de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, une audience s'est tenue le 21 octobre, durant laquelle ont été lues les conclusions du rapporteur public. Le matin précédant l'audience, le CRPA a été informé que l’examen de sa requête en annulation contre le deuxième décret (décret n°2011-847) pris le 18 juillet 2011 a été disjoint de l’examen du premier décret (décret n°2011-846) pris à la même date et portant sur l’organisation de la procédure judiciaire de contrôle des hospitalisations sous contrainte. "Cet examen étant renvoyé à une date ultérieure, vu les nouveaux arguments que nous avons produits très récemment sur les UMD [Unités pour malades difficiles]", explique le président du CRPA, André Bitton, dans un communiqué.

Motivation requise des DH pour les SDT

N’étaient donc examinées le 21 octobre que les demandes d’annulation du décret n°2011-846. "Celles-ci ont été jointes à une demande d’annulation partielle formée par le Syndicat national des magistrats Force Ouvrière qui demandait l’annulation des dispositions propres au rôle du Parquet en ce que celui-ci, selon [FO magistrature], devrait intervenir à titre obligatoire dans les procédures de contrôle, et non seulement à titre de "partie jointe"", explique André Bitton. Cependant le rapporteur public, Maud Vialettes, a écarté les moyens soulevés par le syndicat.
Pour l’essentiel, le rapporteur public a conclu au rejet des demandes de l'association sur le premier décret, sauf sur l’article R 3211-11 relatif à la procédure de contrôle judiciaire des mesures de soins psychiatriques. Ce point concerne l’énumération des pièces obligatoirement versées par le directeur de l’établissement, en vue du contrôle - obligatoire ou facultatif -, d’une mesure de Soins sur demande d’un tiers (SDT). Or "n’y figure pas la décision, nécessairement écrite, et non moins nécessairement motivée, que prend le directeur de l’établissement d’admettre une personne en soins sur demande d’un tiers, en suite de la production de la demande du tiers" (ou de la carence de cette demande dans le cas du soin en péril imminent), et du ou des certificats médicaux légalement requis, explique le CRPA.

Un tournant jurisprudentiel ?

Comme son conseil, Me Raphaël Mayet, avocat au barreau de Versailles, le président de l'association estime qu'à ce point se précise "un tournant jurisprudentiel dans l’histoire du contentieux de l’internement psychiatrique et des garanties de droit formel que les institutions psychiatriques doivent fournir aux personnes internées et suivies sur demande d’un tiers". En effet, jusque-là, et depuis la loi du 30 juin 1838, la conception qui prévalait, et qui avait été caractérisée par un arrêt de principe du 26 juillet 1996 était que la décision du directeur d’admettre ou de maintenir une personne sous le régime de l’ancien placement volontaire, ou en Hospitalisation sur demande d’un tiers (HDT), selon la loi du 27 juin 1990, "n’avait pas à être formalisée par écrit, et partant à être motivée", explique le CRPA.
Ainsi les "personnes placées sur [cette] mesure (...), n’avaient, par ce biais, pratiquement pas de voies de recours, puisque les décisions mêmes qui (...) les privaient de liberté n’avaient pas même à être écrites et ne pouvaient donc même pas être opposables, autrement qu’en la forme du ou des certificats médicaux ayant conclu à cette mesure", déplore l'association. Or, les mesures sur demande d’un tiers forment environ 75% des mesures de contrainte et seules les personnes placées d’office pouvaient jusque-là bénéficier d’un droit à la défense facilité, puisque les mesures prises d’office le sont sur la base d’arrêtés (municipal et préfectoral), "lesquels forment une base écrite qui relève de l’obligation de motivation du droit public et des droits afférents au débat contradictoire", commente-t-elle.
Si les conclusions du rapporteur étaient suivies par les conseillers d'État, cela reviendrait donc à inverser cette ancienne jurisprudence, en donnant de la sorte aux personnes placées sous le régime privatif de liberté sur demande d’un tiers, "des possibilités de recours, de même ampleur que celles dont bénéficient les personnes placées sur décision du représentant de l’État".
Par ailleurs, le rapporteur public a également requis que l’État soit condamné à verser au CRPA la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure. L’affaire a été mise en délibéré sans date. Les magistrats du Conseil d’État devraient prendre un arrêt d'ici la fin novembre, a indiqué Me Raphaël Mayet à Hospimedia.

Caroline Cordier

*Le CRPA est à l'origine d'un premier recours contre les décrets d'application de la loi du 5 juillet 2011, qui avait conduit le Conseil constitutionnel à censurer le 20 avril deux dispositions de la loi, obligeant le législateur à voter un nouveau texte, qui a été adopté le 19 septembre dernier.


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