mercredi 16 octobre 2013

Dans le hall, le guichetier a crié à la ronde : «Etrangers malades ?»

14 OCTOBRE 2013

CHRONIQUE «AUX PETITS SOINS»
Ce sont des détails, des bouts de papier, des signatures qui manquent, des récépissés qui disparaissent. Mais ils peuvent tuer. L’association Aides vient de publier son rapport sur le traitement des étrangers gravement malades dans notre pays. Il est terrible : «Malgré un changement de gouvernement, la politique d’accueil et de prise en charge des étrangers malades ne cesse de se dégrader. Depuis l’été 2012, placements en rétention, procédures d’expulsion et dénis de droits se sont intensifiés, atteignant un rythme sans précédent.» La loi française est pourtant claire : un étranger peut bénéficier d’un visa pour soins s’il est atteint d’une maladie qui ne peut être prise en charge dans son pays d’origine.
Voilà quelques cas, symboles d’une inhospitalité à la française. A la préfecture de Bobigny (Seine-Saint-Denis), une personne explique que, lorsqu’elle est arrivée, le guichetier s’est avancé dans le hall et a crié à la ronde : «Etrangers malades ?» Où est le secret médical ? A Colmar (Haut-Rhin), une femme séropositive raconte sa première rencontre avec un agent de la préfecture : «On m’a posé des questions personnelles, c’était comme une intrusion dans ma vie privée. L’agent a cherché à savoir de quelle maladie je souffrais, pourquoi je demandais une carte de séjour pour soins.»
A Grenoble (Isère), madame V., originaire de république démocratique du Congo, est hébergée dans un appartement thérapeutique. Elle est atteinte du VIH et de la tuberculose. Depuis des mois, c’est un jeu de ping-pong : la préfecture refuse d’enregistrer sa demande de visa pour soins tant qu’elle n’a pas reçu de réponse de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). Elle attend.
Dans la région parisienne, Madame S. - ressortissante du Niger et mère d’une petite fille née en France - se rend cet été à la préfecture pour faire sa demande : elle est atteinte du virus de l’hépatite B. L’agent de la préfecture conserve tous les justificatifs apportés en lui demandant de se représenter le lendemain matin. Le lendemain, l’agent est absent et personne n’a été informé. Tout est à refaire. Autre cas ubuesque : Madame N., ressortissante ivoirienne, n’arrive pas à déposer sa demande de visa pour soins, car la sous-préfecture d’Argenteuil (Val-d’Oise) exige un acte de naissance et un passeport. Or ceux-ci présentent ses deux prénoms dans un ordre différent. La sous-préfecture conteste l’identité de madame N.
Un autre étranger, âgé de 40 ans, entame des démarches de régularisation en décembre 2012, en raison de l’aggravation de son état de santé, lié au VIH. Il vit dans la forêt, en Guyane française. Au dépôt de sa demande, la sous-préfecture ne lui remet pas de récépissé. A l’occasion d’un contrôle d’identité, il est arrêté, placé en garde à vue quelques jours plus tard. A l’été 2013, il n’est toujours pas titulaire d’une carte de séjour pour soins. Et sa maladie s’est emballée.

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