samedi 14 septembre 2013

Test de grossesse : vers la fin du monopole des pharmacies ?

Le Monde.fr |  Par 
Faut-il autoriser la vente des tests de grossesse et des tests d'ovulation en dehors des officines pharmaceutiques, qui en détiennent le monopole ? Deux ministres, Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem, se sont prononcés en début de semaine en faveur d'un amendement en ce sens déposé par Patricia Schillinger, sénatrice PS du Haut-Rhin, dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation examiné au Sénat. Une prise de position qui a immédiatement suscité la colère des syndicats de pharmaciens. Derrière les arguments de santé publique avancés par les deux camps, un marché évalué l'année dernière en France à près de 37 millions d'euros.
Benoît Hamon, le ministre chargé de la consommation, a annoncé mardi 11 septembre sur RMC que le gouvernement allait émettre un "avis favorable", estimant qu'une telle mesure pourrait permettre de "faire baisser considérablement les tarifs" de ces tests. Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, lui a emboîté le pas mercredi. "Toutes les femmes n'ont pas accès à ces dispositifs en raison de leur coût", écrit la ministre sur son blog. Pour elle, une ouverture de la distribution des tests de grossesse, couplée à une diffusion dans les notices et sur les boîtes de messages d'information pour les femmes enceintes, représenterait "une avancée pour notre santé publique".

Marie-Pierre Martinet, la secrétaire générale du planning familial, reconnaît volontiers l'objectif poursuivi par une telle mesure : "Améliorer l'accessibilité de ces tests en termes de lieux et de coûts participe de l'autonomie des femmes dans la maîtrise de la fécondité ". Pour autant, pas d'enthousiasme excessif. "Cela ne faisait pas partie de nos priorités,admet-elle. Ce n'est qu'un infime fragment de la réponse à apporter sur ces questions. " Sur cette problématique, l'accès à l'information (plate-forme téléphonique, sites Internet dédiés...) et l'éducation à la sexualité et à la contraception constituent pour elle des enjeux plus importants que l'accès à ces tests, "dont la fiabilité est relative".
"DÉCLARATION DE GUERRE"
Chez les syndicats de pharmaciens, cet amendement est perçu comme"une déclaration de guerre du gouvernement", selon Gilles Bonnefond, le président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Le responsable parle d'un "signal politique surprenant", lancé sans aucune concertation préalable. "Après la vente de médicaments sur Internet, qui a été très mal gérée, les tests de grossesse. Qu'est-ce qui vient ensuite ?", demande-t-il, dénonçant "le lobbying des grandes surfaces pour entrer dans le système de santé et récupérer des parts de marché".
"C'est surtout un acte d'ignorance et de mépris", complète Eric Myon, président de l'Union national des pharmacies de France (UNPF) pour qui il s'agit d'une "mesure bête et sans intérêt bénéfique à en attendre pour les patients""C'est tout sauf une avancée, c'est même une régression pour les femmes car ce sont des produits qui nécessitent des conseils importants", estime-t-il, rappelant notamment qu'il existe des "faux positifs" et des"faux négatifs" pour les résultats de ces tests.
"Ce n'est pas lié à un problème économique, ce n'est pas ça le sujet", abonde Jean-Luc Audhoui, membre de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui met également en avant les notions de conseil et d'écoute. "Quand une jeune fille de 15 ou 16 ans vient, tremblotante, vous demander un test au lendemain d'un rapport non protégé, il faut savoir la réorienter, raconte-t-il. Le cas échéant, il faut pouvoir lui expliquer que c'est plutôt de la pilule du lendemain dont elle a besoin."
Pour Patricia Schillinger, au contraire, " des jeunes filles de 14-15 ans n'iront pas dans une pharmacie, car c'est dur de franchir le seuil d'une officine." "Acheter un test, c'est parfois gênant, ajoute l'élue du Haut-Rhin. En tant que femme, je veux avoir la liberté d'acheter ce test où je veux, comme les hommes ont la liberté d'acheter leurs préservatifs où ils veulent."

"Ce qui est bien pour les femmes, c'est d'avoir un professionnel de santé à l'écoute, pas un chef de rayon", lance Gilles Bonnefond. Le président de l'USPO met les parlementaires en garde : "On va vérifier quels députés-maires voteront cet amendement, il y a des élections municipales dans six mois... La profession va être vent debout."

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