mercredi 4 septembre 2013

"Il faut convertir les jeunes femmes au numérique"

LE MONDE | 
Veronique Di Benedetto. Directrice générale d'econocom'.
Veronique Di Benedetto. Directrice générale d'econocom'. | DR
Véronique Di Benedetto, directrice générale d'Econocom France, est aussi directrice générale adjointe du groupe européen de services informatiques. En rachetant, le 1er juillet, 51,9 % du capital d'un autre acteur du marché, Osiatis, Econocom a changé d'échelle.
L'effectif du groupe passe de 3 700 à 8 300 personnes réparties dans une vingtaine de pays, dont deux nouveaux : le Brésil et l'Autriche. Le nouveau leader des services informatiques en France et en Belgique, qui devait présenter lundi 2 septembre dans l'après-midi ses résultats semestriels, affiche un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros et annonce un objectif de 3 milliards pour 2017.
Mme Di Benedetto, une des rares femmes à la tête d'une entreprise du numérique, conjugue le goût des défis et de la création d'entreprise à une expérience internationale et une préoccupation pour les relations humaines.
En 2011, elle avait pris la direction générale de la filiale française du gestionnaire d'infrastructures informatiques et de télécommunications Econocom, qui venait de racheter la société ECS, qu'elle dirigeait, pour gérer la fusion des deux entités.
Véronique Di Benedetto, comment expliquez-vous qu'il y ait si peu de femmes dans le numérique ?
Le numérique souffre d'une image erronée auprès des jeunes femmes. C'est une vraie perte de talents pour cette industrie, car le numérique sera partout, dans tous les secteurs d'activité. Et l'innovation y est permanente.
La commission "femmes du numérique" de Syntec, dont je suis membre, oeuvre en amont, dans les collèges, les écoles d'ingénieurs, etc. Il faut convertir les jeunes femmes au numérique mais aussi leurs mères, car elles ont de l'influence sur la carrière de leurs filles.
Je conseille vivement aux jeunes filles de s'orienter vers les études d'ingénieur et surtout d'aller vers les métiers du numérique. C'est un vivier d'emplois très variés.

Une femme dirige-t-elle différemment d'un homme ?
Les femmes ont une sensibilité différente. Mais diriger une entreprise est une question de doigté. Il faut avoir de l'empathie et être bienveillant. Certains hommes ont ces qualités ! Les femmes s'autorisent peut-être plus à laisser transparaître leurs émotions et elles gèrent mieux l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Qu'est-ce qui a déterminé votre carrière ?
Je pense que c'est lorsque j'ai décidé de quitter IBM - mon premier emploi - pour créer mon entreprise. Cette décision a inquiété mes parents. Mais j'étais jeune et j'avais envie d'entreprendre.
Aujourd'hui, je pousse mes enfants, âgés de 15 ans et 20 ans, à entreprendre, surtout tant qu'ils sont jeunes et pas encore installés. Je leur dis d'avoir ce courage ! Cela les aidera demain, lorsqu'il faudra être à la fois indépendant et capable d'évoluer d'un statut à un autre. De plus, les outils numériques facilitent les choses. Il est possible aujourd'hui de créer une société avec trois fois rien. Et même si c'est un échec, tant pis, c'est tellement formidable !
Avez-vous connu des échecs ?
Oui, bien sûr, plusieurs ! Entre autres, une des sociétés que j'ai créées a fait faillite et nous avons dû licencier. Ce n'est jamais facile. J'ai réfléchi à mes échecs. Non pas au pourquoi, mais au comment cela s'est passé et à ce que j'avais appris. Un business angel rencontré aux Etats-Unis m'avait dit qu'il n'investissait jamais dans une entreprise qui n'avait pas connu d'échec.
Et j'aime beaucoup cette phrase de Winston Churchill qui dit : le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme ! L'échec est toujours riche d'enseignements. En France, il faut lutter contre la stigmatisation de l'échec.
Comment communiquez-vous ce goût de l'entreprise aux personnes que vous dirigez ?
Aimer entreprendre, ce n'est pas seulement créer une société. C'est aussi changer un processus, lancer une initiative, recruter quelqu'un qui va faire bouger ce que l'on n'arrive pas à faire bouger soi-même, etc. Aimer entreprendre se travaille. Il faut, pour cela, donner aux gens plus d'autonomie, les laisser faire, accepter qu'ils échouent au moins une fois.
Vous attachez de l'importance à la dimension sociale de l'entreprise. Qu'entendez-vous par là ?
On parle beaucoup d'économie et d'environnement, mais on oublie souvent le social et son impact sur les performances de l'entreprise.
Une société doit s'enrichir des différences de ses employés, de ses partenaires, etc. C'est le principe de la diversité. Econocom a, par exemple, investi dans un incubateur de start-up, car nous avons besoin d'avoir des relations avec ces nouvelles entreprises pour nous nourrir de la façon dont elles travaillent, de leur esprit. C'est compliqué de s'autoréformer. Il faut des apports extérieurs, il faut provoquer les ruptures !
La rupture peut-elle être positive ?
Oui, elle est même nécessaire, parfois ! C'est pour provoquer une rupture dans ma vie de créatrice d'entreprise et trouver un équilibre personnel que je suis partie en mission humanitaire plusieurs mois en Inde en 1991. Aujourd'hui, je crois qu'il faut provoquer des ruptures en entreprise pour que sa contribution ne se limite pas à l'économie ou à l'emploi, mais qu'elle joue un rôle social !

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