vendredi 5 juillet 2013

Plaidoyer pour une économie au service de l'écologie et du bien-être humain

LE MONDE | Par 
Robert Costanza, chercheur à l'université nationale d'Australie, est le chef de file de l'école de l'économie écologique ("ecological economics"). Peu connu en France, ce courant académique travaille à définir les concepts d'une analyse économique intégrant la question environnementale. Robert Costanza a joué un rôle pionnier pour installer l'idée de "services rendus par les écosystèmes" et montrer leur valeur économique.

Par exemple, une large part de la culture agricole serait impossible sans la pollinisation par les abeilles. Celle-ci a donc une importante valeur économique, même si elle n'est pas valorisée par le marché. Dans un article paru dans Nature en 1997, Robert Costanza et ses collègues avaient estimé que la valeur non marchande annuelle des services écosystémiques de la Terre est bien plus élevée que le produit intérieur brut (PIB) mondial.
Robert Costanza cosigne avec plusieurs figures de ce courant (Herman Daly, Peter Jackson, Peter Victor, Juliet Schor), Vivement 2050 ! (Les Petits Matins), décrivant une politique économique adaptée à la crise écologique mondiale. Selon eux, la science économique doit respecter "les limites planétaires et reconnaître que le bien-être de l'homme dépend essentiellement de la qualité de ses relations sociales et du degré d'équité de la société dans laquelle il vit".
Pour eux, l'activité économique actuelle approche, voire dépasse, les capacités de la planète à procurer les ressources nécessaires. Ils affirment"la nécessité d'abandonner l'objectif de la croissance du produit intérieur brut". Cet indicateur ne prend pas en compte l'évolution du capital naturel (défini comme l'environnement naturel et la biodiversité, qui fournit les biens et services écosystémiques) : il enregistre même "la diminution du capital naturel comme un gain économique et procède de même pour plusieurs autres effets négatifs humains et sociaux".
STIMULER L'ÉCONOMIE LOCALE
Au contraire, la science économique devrait prendre en compte la protection de la nature, la restauration des écosystèmes, l'équité sociale et intergénérationnelle, bref, l'ensemble des contributions non marchandes générées par le capital naturel et le capital social.
Que mettre à la place de la croissance ? "Des objectifs d'autonomie matérielle, de distribution équitable et de bien-être humain." L'analyse s'appuie ici sur le concept de "biens communs", étudié par Elinor Ostrom, Prix de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel (dit "prix Nobel d'économie"), en 2009 : cette économiste avait montré que la gestion par les communautés des biens collectifs dont elles dépendent est plus efficace qu'une gestion par le marché ou par l'Etat. Mais alors qu'Elinor Ostrom pensait essentiellement au capital naturel, les auteurs de Vivement 2050 ! étendent le concept de biens communs au patrimoine culturel, aux systèmes financiers et aux systèmes d'information tels qu'Internet.
L'approche de l'économie écologique entraîne un diagnostic particulier à l'égard des difficultés des pays occidentaux. Pour Robert Costanza, la question du chômage est mal posé : "La croissance ne répond pas vraiment au problème du chômage. La focalisation sur la croissance pousse à la hausse de la productivité, ce qui fait diminuer l'emploi. Il faut changer de focus.", explique-t-il au Monde.
Une idée développée par les auteurs de Vivement 2050 ! pour changer radicalement d'angle de vue est de développer les monnaies locales."Plutôt que de chercher à être parfaitement compétitif sur le marché mondial, on devrait stimuler l'économie et les monnaies locales, ce qui est un meilleur moyen de stimuler l'emploi. Par ailleurs, en temps de difficultés, il faut réduire le temps de travail pour tout le monde plutôt que de licencier les travailleurs", estime Robert Costanza.
L'économiste est également très critique à l'égard du système financier."On a laissé le système financier devenir totalement spéculatif et autonome. Il ne faut plus laisser le capital se déplacer en toute liberté à travers le monde. Cela passe par la taxation des transactions financières, mais aussi par le rétablissement de la nature de bien commun de la monnaie : la création monétaire par les banques privées, par le biais du crédit, devrait être beaucoup plus strictement contrôlée par les autorités publiques. Il faudrait aussi avoir un système financier à plusieurs étages, avec des monnaies locales, nationales, internationales... Il nous faut différentes monnaies pour différents usages."

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