vendredi 21 juin 2013

Pour les directeurs, la planification des soins tient davantage du "Gosplan" que de la négociation

20/06/13 La cote des ARS n'est pas prête à remonter dans le cœur des directeurs d'établissement. À entendre les intervenants aux Journées nationales du SYNCASS-CFDT, leur planification des soins frise encore trop souvent le centralisme "soviétique", au risque d'annihiler toute approche (infra-)territoriale, aussi bien pour le secteur sanitaire que médicosocial.
Trois ans après leur mise en œuvre, les ARS ont-elles su insuffler une planification assumée mais négociée de l'offre de soins à l'échelon du territoire ? À cette question posée ce 20 juin à Reims à l'occasion des Journées nationales du SYNCASS-CFDT, il ne s'est guère trouvé de voix pour y répondre par l'affirmative. Même Paul Castel, Directeur général (DG) de l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), a semblé prendre acte des critiques, parfois des plus crues, comme dans la bouche d'André Fritz, DG du CHU de Rennes : "Qu'on nous lâche les baskets !". De sa verve coutumière, le Breton a appelé à "changer la nature de la planification", afin qu'elle laisse son côté "Gosplan" mais s'inscrive sur des objectifs lucides avec un contrôle sur les moyens a posteriori et non tout au long du processus. À défaut, "ces contraintes qui pèsent sur les modalités de décisions prises finissent par appauvrir la dynamique de la planification", note le DG, laissant entendre qu'au quotidien l'ARS lui donne parfois "le sentiment d'être dans la tutelle sur incapable majeur". Au final, André Fritz a déploré que la loi HPST ait ainsi accouché d'un semblant "d'architecture soviétique au service d'une conception politique néolibérale enrobée de démocratie sanitaire en trompe l'œil".

-25% sur la prime multisites en Île-de-France

Président de la Conférence des présidents de Commission médicale d'établissement (CME) des CH d'Île-de-France, le Dr Pierre Foucaud s'est lui aussi élevé contre "une centralisation de la prise de décision" qui se fait "antinomique de la notion de territoire et d'infra-territoire". À ses yeux, les quatre axes de la coopération territoriale (structuration de la permanence des soins, harmonisation du système d'information à l'échelon d'un groupement de coopération sanitaire ou d'une communauté hospitalière de territoire, essor de la télémédecine, installation d'équipes médicales de territoire) ne peuvent être décrétés et répondre d'une logique verticale descendante dès lors qu'il n'y a pas de menace sur l'offre de soins à tarifs opposables. Or, en décidant de réduire cette année de 25% l'enveloppe financière allouée à la prime d'exercice multisites, l'ARS d'Île-de-France vient justement "brouiller le message", clame le praticien, par ailleurs pédiatre au CH de Versailles (Yvelines). Au contraire, l'agence se doit, selon lui, de cibler ses interventions, se poser en accompagnant, en soutien, avec quelques financements, aussi symboliques soient-ils, mais versés comme "caution administrative".

Les départements peu portés sur le médico-social

Les pilotages voire les intrusions inutiles au motif d'une planification, les Établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) les subissent peut-être encore plus que le sanitaire avec l'ajout d'un acteur de poids, aux contrôles encore plus "tatillons" que les ARS, pour citer André Fritz : le conseil général. Si les agences peuvent encore "plaider le droit au rodage", comme le lance Paul Castel*, il en va tout autrement des départements. Or ici, le politique prend bien trop souvent le dessus pour des collectivités plus intéressées à octroyer leur argent aux loisirs ou à l'éducation qu'au secteur médico-social, impact électoral oblige, souligne Marie-Hélène Angelloz-Nicoud, présidente de la Conférence nationale des directeurs d’établissement public pour personnes âgées et personnes handicapées (CNDEPAH). En clair, "les élus favorisent la réponse la moins coûteuse en matière d'enveloppe mais la plus facile à afficher". Et la directrice de l'EHPAD de Thônes (Haute-Savoie) de réclamer la création d'un vrai dialogue social à l'échelon local, d'un niveau de dialogue pertinent au sein des ARS, de leviers, outils et autres marges de manœuvre pour réellement aboutir à une planification territoriale du médico-social comme du sanitaire et de l'ambulatoire.

Thomas Quéguiner, à Reims

* Paul Castel a toutefois regretté, qu'alors à la tête des Hospices civils de Lyon (HCL, 2007-2010), la tutelle n'ait pas su être "assez drastique" pour éviter que le CHU ne soit dans "une situation financière catastrophique".

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