jeudi 16 mai 2013

Huit millions d’enfants dans des institutions

Selon l’UNICEF, environ « 8 millions d’enfants dans le monde vivent en institution. » Diverses études ont montré que ce vécu institutionnel constitue un facteur de risque en matière de psychopathologie ultérieure et/ou de retard de développement global : cognitif, social, émotionnel, etc.
Comparativement à des sujets-témoins vivant en famille, la prévalence des troubles psychiatriques se révèle « particulièrement importante », précisent les auteurs d’une étude menée sur ce thème au sein d’une cohorte d’enfants de Roumanie élevés en institution dès l’âge moyen de 22 mois. Cette morbidité psychiatrique « élevée » s’expliquerait, au moins en partie, par des « altérations du neuro-développement », liées elles-mêmes au caractère pernicieux du placement, dû aux carences de stimulations (affectives et/ou éducatives) précoces.

En s’appuyant notamment sur les résultats d’évaluations basées sur le Preschool Age Psychiatric Assessment[1], sur des tests de reconnaissance faciale des visages (connus ou inconnus) et des émotions de base (colère, joie, peur, tristesse), et sur des enregistrements électroencéphalographiques, les auteurs confirment l’association entre un « haut niveau de troubles psychopathologiques » (concernant en particulier « l’anxiété et les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité », diagnostiqués à l’évaluation réalisée à l’âge de 4 ans et demi) et des « environnements éducatifs défavorables ».

Comme dans toute problématique de ce type, il est bien sûr difficile d’affirmer que le caractère « fâcheux » des placements explique de façon univoque le profil psychiatrique constaté chez une partie significative de ces enfants, car on peut estimer, au contraire, qu’un contexte biographique défavorable (y compris du point de vue psychopathologique) a pu jouer un rôle déterminant dans leur placement (bon ou mauvais), lequel a ainsi davantage valeur de révélateur que de cause, pour les troubles subséquents. Néanmoins, et même si la fréquentation d’un orphelinat à Bucarest n’est peut-être pas transposable à celle d’une structure similaire dans d’autres pays, cette étude réaffirme le rôle néfaste des carences précoces (qu’elles relèvent du domaine affectif, cognitif, socio-économique…) sur la trajectoire psychosociale ultérieure, carences pouvant déployer leurs effets délétères par le truchement de « perturbations neurodéveloppementales » à l’origine des anomalies constatées dans certains tests (et tracés EEG).

Pour les auteurs, une meilleure compréhension (d’ordre psychologique et neuro-physiopathologique) des « effets nuisibles des souffrances précoces sur le développement cérébral » pourrait orienter (du point de vue « social comme biologique ») les politiques d’intervention visant à contrecarrer ces conséquences préjudiciables des mauvais départs dans l’existence.  

[1] http://gsms.duhs.duke.edu/pubs/papachapter.pdf
Dr Alain Cohen
Slopen N et coll.: Alterations in neural processing and psychopathology in children raised in institutions. Arch Gen Psychiatry 2012; 69: 1022–1030.
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