dimanche 14 avril 2013


Colère d'une infirmière quinquagénaire

Une lectrice, infirmière dans un Ehpad public, nous fait part de sa douloureuse expérience. Elle décrit en vers un métier passionnant, mais parfois décourageant.


A la fin de ma terminale, animée d'un bel idéal,
Il m'a semblé normal de m'orienter vers le social, le paramédical.
Au final, primordial : exercer mon métier au sein de l'hôpital.

Après trente ans de service auprès de mes congénères, 
Principal itinéraire l'institution publique hospitalière,
CHU-CHR, emplois sédentaires et intérimaires,
Hier, quelques détours au-delà des frontières.
Dénuée d'ambition et d'évolution de carrière,
Juste l'envie d'être une simple infirmière.
Fière de sa mission humanitaire et de son savoir-faire…

Point de guêpière, de jarretière, de parties de jambes en l'air, 
Mais valse des cathéters, des clystères, des somnifères.
Pas de manières, beaucoup de derrières, petites et grandes misères.
C'est clair, ce n'est pas la faute à Voltaire !

Merci scanners, médecines nucléaire et moléculaire,
Le tout révolutionnaire aux dépenses somptuaires.
Bonjour déficits divers, restrictions financières, coupes budgétaires.
Super cyber — univers où nous demeurons de sang et de chair.
Peuchère ! La santé n'a pas de prix mais coûte cher, 
Limitons les infirmières !

Monsieur Prosper, octogénaire, encore bien vert mais…
Badaboum par terre avec fracture du trochanter.
Madame Esther aux beaux yeux clairs, nourrie à la cuillère,
A bout et démissionnaire devant son cancer.
Pléthore de pensionnaires, futurs centenaires mais grabataires
Ou Alzheimer, univers si courants et si mortifères !

Infirmières « sous-numéraires », à bout de nerfs,
Douceur légendaire virant au mauvais caractère ;
Humeurs incendiaires jusque dans les vestiaires
Où s'expriment frustrations et colères…
« Soigner » de manière autoritaire, militaire ou façon courant d'air
Car tâches journalières toujours supplémentaires.
Trop à faire, alors pas de mystère, à la guerre comme à la guerre.
Mesdames, vous êtes priées de demeurer exemplaires, quelle galère !

Inventaire à la Prévert : perte de repères ; infirmière ou secrétaire ?
Les horaires, les heures supplémentaires, les emplois précaires,
Les absences régulières, les salaires, l'encadrement des stagiaires,
Pas toujours de pause alimentaire, mesures sanitaires, risques judiciaires…
Barrières et autres travers d'un système pervers et délétère !

Grands fonctionnaires et secrétaires des principaux ministères,
De vos hautes sphères, redescendez sur terre,
Soyez sincères, visionnaires et décisionnaires,
Dans la santé, itou pour nos chers grands-pères et grands-mères,
Plus d'auxiliaires : ce n'est pas secondaire, c'est élémentaire !

Cherchons jeunes femmes volontaires, répondant aux critères,
Qui feraient l'affaire pour une belle et dure carrière.
Offrons parcours universitaire et master, pied-à-terre, grand air…
En route pour Cythère et son lot de chimères !

Avec beaucoup de chance, de patience, de persévérance et de résistance,
Viendra un jour la récompense…
Nous irons enfin dans le bon sens : la vraie reconnaissance
De nos connaissances, de nos compétences et polyvalences,
Du travail en alternance et du rythme intense des cadences.
Profession qu'on encense mais en réelle souffrance.
On panse beaucoup et aussi on pense !
Récente équivalence au niveau licence, suivie d'un vrai effort
Côté finances, ce serait bel et bien Byzance !

Criantes évidences face aux absences et carences de la toute-puissante science
Urgence face à la recrudescence de la sénescence aux multiples exigences.
Alliance entre souci de performance et droit à la « bientraitance »
L'excellence suppose une grande expérience et beaucoup de conscience.
Avec insistance, réclamons bienveillance auprès des bonnes instances.
Alors gardons le cap de Bonne-Espérance et cultivons la confiance !

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