vendredi 8 mars 2013

Marisol Touraine peine à rassurer l'hôpital public

LE MONDE | 
Le rapport Couty sur "le pacte de confiance à l'hôpital", fruit de six mois de concertation, était très attendu, mais ce qu'en retiendrait la ministre de la santé l'était encore davantage. Lundi 4 mars, Marisol Touraine a su mettre du baume au coeur à un monde hospitalier qui s'est senti malmené par Nicolas Sarkozy. "Je veux tourner la page de la loi Hôpital Patients Santé et Territoires [de 2009] , et en écrire une autre", a-t-elle dit. Mais à l'issue de son discours, malgré les bonnes intentions affichées, les acteurs du monde hospitalier hésitaient entre satisfaction et doute. Car contrainte financière oblige, rien ne dit que la pression sera moindre.
La ministre a repris une bonne part des propositions du rapport rédigé par Edouard Couty, ancien directeur des hôpitaux au ministère de la santé, et a insisté sur le constat d'un hôpital en "perte de repères". "Ils ont au moins compris ce qui n'allait pas à l'hôpital et mis un frein au cynisme ambiant", se rassurait Nicole Smolski, présidente de l'intersyndicale Avenir hospitalier. Un hôpital qu'elle décrit comme "un bateau ivre" : "Personne ne sait où il va, et certains préfèrent en sauter", dit-elle, en référence aux démissions et menaces de démissions aux urgences de l'hôpital Saint-Louis à Paris, à celles de Grenoble et Roubaix.
Premier point très attendu par les médecins, la ministre a promis que leur poids sera renforcé dans les instances de décision, face aux directeurs que M. Sarkozy avait voulu imposer comme patrons des hôpitaux. Les syndicats attendent cependant plus de précisions.
"TOUT CELA RESTE FLOU"
Même chose sur le mode de financement. Après le budget global, puis la tarification à l'activité (T2A), Mme Touraine annonce un "troisième acte, la tarification au parcours". Si elle n'abandonne pas la T2A, décriée parce que les hôpitaux ont pu multiplier les actes pour gagner plus, la ministre reconnaît qu'elle n'est pas toujours adaptée. Deux exemples sont cités : les soins palliatifs et le suivi des diabétiques. Dans les services accueillant les mourants, il est difficile d'accompagner convenablement les patients sachant qu'au-delà d'un nombre de jours budgété, l'hôpital n'a pas intérêt financièrement à ce qu'ils restent. Pour les diabétiques, seuls les actes accomplis sont pris en compte, pas la prévention.
Quelques éléments de tarification au parcours seront intégrés dans le prochain budget de la Sécurité sociale. Mais cette modification ne changera pas du jour au lendemain le mode de fonctionnement des hôpitaux. Nombreux sont ceux qui auraient aimé qu'une limite de la part réservée à la T2A soit au minimum fixée.
"Pour l'instant, tout cela reste flou", constate André Grimaldi, pour le Mouvement de défense de l'hôpital public. Une remarque qu'il applique aussi à l'organisation au sein des hôpitaux, la ministre s'étant contentée de demander un bilan de la mise en place de pôles dans lesquels ont été regroupés les services pour faciliter la gestion, parfois plus dans une logique géographique que médicale.
Enfin, elle a promis la réinscription du "service public hospitalier" dans la loi, et estimé qu'il ne peut être découpé en missions (accueil des précaires, urgences, formation...), ce qui permettait aux cliniques d'en assurer certaines, mais pas toutes. La ministre ajoute une nouvelle notion : "le service public territorial de santé", auquel hôpitaux publics et privés mais aussi médecins libéraux participeront.
"Le rapport Couty, c'est bien vu et courageux, mais c'est une réponse politique à la crise politique de l'hôpital", commente le sociologue Frédéric Pierru. Or, dit-il, il va à "contre-courant de la vision gestionnaire" du récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales sur l'hôpital, de l'assurance-maladie, du ministère du budget ou même de certains au ministère de la santé. "Les deux lectures vont s'opposer", prévoit-il.
Personne n'est dupe : pour réduire le déficit de la Sécu, les prochaines économies passeront par l'hôpital. "Nous craignons que les belles intentions soient vite rattrapées par la réalité des discussions budgétaires", affirme Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France. Il en veut pour preuve la décision du gouvernement de baisser les tarifs des hôpitaux publics davantage que des cliniques. Lundi, la ministre a voulu donner des gages en rappelant que les missions d'intérêt général, fonds versés au public, ne sont plus gelées.
Elle a aussi insisté sur l'investissement, promettant 45 milliards d'euros sur dix ans. Mais 4,5 milliards par an, c'est un juste milieu entre les années 2000, où le surinvestissement a gonflé la dette des hôpitaux, et les années 1980 et 1990, marquées par le sous-investissement. Le gouvernement tient à concentrer cette somme sur des projets tenant compte des besoins de la population, et à en finir avec les constructions d'hôpitaux surdimensionnés. L'exemple-type est l'hôpital Sud Francilien (Evry et Corbeil-Essonnes), financé en outre par un partenariat public-privé qui tourne au fiasco.
Néanmoins, à force de multiplier les projets de réforme - le premier ministre a déjà présenté en février la "stratégie nationale de santé" -, le gouvernement aura du mal à convaincre un monde de la santé en attente de concret.

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