vendredi 8 mars 2013

Le «plan national» que réclament les acteurs de l’hôpital local


Plan « déserts médicaux », « pacte de confiance pour l’hôpital »… Ces deux chantiers phares de Marisol Touraine ne doivent pas faire l’impasse sur l’hôpital du généraliste. Médecins et directeurs de ces petites structures le rappellent dans une plateforme commune. Leurs 44 propositions pour relancer et conforter le secteur appellent un véritable « plan national de refondation » pour les hôpitaux locaux.

Les acteurs de l’hôpital local ne veulent pas être les oubliés du plan « déserts médicaux » de Marisol Touraine. Deux mois après son annonce, les médecins généralistes de l’AGHL (Association des généralistes de hôpitaux locaux) que préside le Dr Pascal Gendry (Renazé, 53 ) et les directeurs de l’ANHL (Association nationale des hôpitaux locaux) dont le chef de file est le directeur de l’hôpital de Lamballe (22), Dominique Colas, viennent donc de rendre publiques 44 propositions pour rappeler aux autorités sanitaires qu’avec leur hôpital local, ils sont un atout maître à ne pas négliger. «Suite à notre Journée de novembre, nous avions rencontré le cabinet de Marisol Touraine. Et on nous avait demandé de faire des propositions sur la façon dont l’hôpital local pouvait contribuer à la lutte contre les déserts médicaux,» rappelle Pascal Gendry, qui a transmis ces propositions à la Direction générale de l’offre du soins (DGOS) du ministère, à la "Mision Couty" et à la Fédération Hospitalière de France (FHF).

La plateforme tombe à point nommé, alors que la ministre a donné en début de semaine les orientations de son «pacte de confiance» pour l’hôpital. Ce document entend aussi montrer que ces petits établissements sont bien dans l’air du temps et «préfigurent avant la lettre un parcours de soins coordonnés» dont on parle tant : «la continuité de la prise en charge du patient, et spécialement celle des patients âgés, y est assurée du domicile à l’hospitalisation, en passant si besoin par le secteur médico-social,» rappelle-t-il.

Surfant sur le plan Touraine pour les "déserts médicaux", leur plateforme reprend donc la balle au bond en tentant de faire la preuve que l’hôpital local est le support idéal à la remédicalisation des zones blanches. L’AGHL et l’ANHL proposent par exemple que les hôpitaux locaux soient reconnus comme terrains de stage en médecine générale, y compris à l’occasion du semestre de mise en responsabilité, le fameux SASPAS. Actuellement, ce n’est pas impossible, mais pas vraiment simple non plus : pour mettre le pied à l’hôpital local, l’interne doit être le stagiaire d’un généraliste qui y intervient déjà.

Des moyens pour l’hôpital du généraliste

Déclinant les propositions du plan Touraine, la plateforme suggère aussi d’adapter à l’exercice en hôpital local, les bourses d’engagement de service public (CESP) promises par la ministre : pourquoi ne pas imaginer par exemple un exercice mixte hospitalo-ambulatoire, salariat-libéral, avancent les médecins ruraux et leurs directeurs ? Même chose concernant les 200 « praticiens territoriaux de médecine générale » (avec un revenu minimum garanti) annoncés par la ministre dans les zones blanches : pour l’ANHL et l’AGHL, une déclinaison de ce nouveau statut à l’intérieur de l’hôpital local s’impose, avec une rémunération plus attractive ou favorisant l’exercice mixte.

Autres thématiques abordées par le plan « déserts médicaux » : la télémédecine et les transferts de compétence. Là encore, les hôpitaux locaux répondent qu’ils sont déjà, et peuvent être demain davantage, des têtes de ponts pour développer ces activités en zones rurales.

Prudence en revanche, sur la promesse de François Hollande de « garantir un accès aux soins urgents en moins de 30 minutes d’ici à 2015». Car, sur la PDS, les acteurs de l’hôpital local se méfient des scénarios d’importation : «Les maisons médicales de garde fonctionnement actuellement et pour beaucoup sont adossées à un ex hôpital local», rappellent-ils avec force. Dans ce contexte, ils jugent « illusoire » et « ruineux » un renfort des SMUR, tout comme le recrutement de médecins correspondants du SAMU.

Rouvrir les hôpitaux fermés, en créer dans les villes

Si les hôpitaux locaux ont décidé de faire parler d’eux, ce n’est pas seulement pour rappeler qu’ils sont des laboratoires de l’innovation. C’est peut-être aussi parce qu’ils ont de bonnes raisons de se méfier. Leur plateforme le rappelle. Ces dernières années, en dépit des propos souvent laudateurs des pouvoirs publics à leur endroit, ils sont passés de 300 au début des années 2000 à un peu plus de 200 aujourd’hui… Restructurations, rattachements, fusions, fermetures de lits de médecine… Directeurs comme médecins généralistes des hôpitaux locaux voudraient bien que la croisade affichée par les autorités sanitaires contre les « déserts médicaux» soit l’occasion de revenir sur ces années de "remembrement" sanitaire, au cours desquelles les hôpitaux locaux ont été, selon eux, «laminés ». Ils suggèrent donc de s’appuyer sur les hôpitaux locaux pour partir à la reconquête de l’offre de soins. Quitte à rouvrir des hôpitaux locaux fermés par le passé ou à en créer dans les « déserts médicaux » urbains, souligne leur plateforme. Leur préoccupation est aussi de conserver leurs directeurs: «Sur le terrain, on assiste à une dynamique de directions communes avec de plus gros centres hospitaliers. Or il ne nous semble pas possible de mettre en place une politique de soins primaires sur un secteur, sans qu’il y ait un directeur sur place,» souligne le Dr Gendry.

Enfin, puisque Marisol Touraine entend multiplier les maisons de santé dans les secteurs sous-denses,voire créer si besoin des centres de santé, l’AGHL et l’ANHL répondent là encore présents et soulignent que, dans bien des cas, l’hôpital local est le candidat naturel à ce type de couplages, qui, à la vérité, existent déjà dans de nombreux endroits. Au total, les deux associations appellent les autorités à « un plan national s’imposant aux ARS, revitalisant et revalorisant et au besoin créant ou recréant l’hôpital local.» Seront-elles entendues ? Réponse courant 2013…
Paul Bretagne

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