LE MONDE TELEVISION | Par Hélène Delye
Avec son bel accent du Sud, sans emphase, mais avec conviction, Célestin Freinet annonce : "L'intelligence ne saurait être séparée de la vie et du travail. Le travail doit être intégré à la vie. Il doit y avoir à la base de tout métier, de toute fonction, une préparation fondamentale, autant que possible polyvalente. C'est-à-dire qu'il faudra que l'école s'applique à préparer, dans l'individu, toutes les possibilités de chacun(...), tout ce qui ne se mesure pas."
En 1958, au cours d'une séance publique à Neuchâtel (Suisse), Freinet (1896-1966) s'adresse à des parents et à des enseignants pour exprimer les idées-forces de sa pédagogie. Il explique avec simplicité pourquoi il est essentiel pour les enseignants de chercher ensemble, de partager leurs découvertes, leurs savoirs, leurs réussites comme leurs échecs. "Freinet déprolétarise le métier d'enseignant. Il montre que l'enseignant est un chercheur, pas solitaire mais solidaire, qui doit mutualiser ses acquisitions avec d'autres. Et il doit être à ce titre respecté comme un véritable inventeur, commente Philippe Meirieu, professeur de sciences et pratiques de l'éducation à l'université de Lyon-II, avant d'ajouter : Freinet donne toute sa noblesse au métier d'enseignant."
Pour l'auteur de L'Ecole moderne française (1946), l'institution scolaire doit en premier lieu donner aux enfants l'amour du travail, et sauvegarder leur curiosité. Elle doit les mobiliser sur des enjeux intellectuels forts, difficiles, faire d'eux des citoyens, capables de s'exprimer, de dire leurs points de vue, de critiquer, de s'élever en pensant par eux-mêmes. "Aujourd'hui, on dit souvent qu'il faut que les élèves soient motivés pour qu'ils réussissent. Freinet est un des premiers à avoir dit l'inverse : qu'il faut qu'ils réussissent pour qu'ils soient motivés", résume M. Meirieu.
INTELLIGENCE ET MODERNITÉ
Intitulé L'Ecole moderne de Célestin Freinet en 1958, ce beau documentaire, réalisé par Séverine Liatard et Séverine Cassar, est bâti autour d'archives sonores provenant de l'une des allocutions du grand pédagogue de Vence (Alpes-Maritimes). Il est éclairé par les commentaires et les analyses de Philippe Meirieu, mais aussi par les souvenirs et les expériences de Guy Goupil et Michel Barré, deux anciens instituteurs du mouvement Freinet. Alors que le ministère de l'éducation s'apprête ces jours-ci à mettre en oeuvre une nouvelle réforme, le discours de Freinet, par sa modernité et son intelligence, résonne d'autant plus nettement. Il gagne encore davantage en limpidité, et en sensibilité.
Diffusé mardi 8 janvier dans "La Fabrique de l'histoire" d'Emmanuel Laurentin, ce documentaire vivifiant s'inscrit dans une semaine consacrée à l'histoire de l'éducation. Il est suivi, mercredi 9, d'une émission centrée sur des archives inédites de la radio et télévision scolaire diffusée en classe dans les années 1950-1960, et jeudi 10 d'un débat sur l'histoire du combat pour l'éducation féminine en France.
"L'Ecole moderne de Célestin Freinet en 1958", mardi 8 janvier dans "La Fabrique de l'histoire", à 9 heures, sur France Culture.
Hélène Delye
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