mercredi 4 avril 2012

Quelques biais (de publication) dans les interactions gène-environnement en psychiatrie

Très en vogue depuis une dizaine d’années, pour son aptitude à synthétiser l’interaction croisée des influences génétiques et environnementales, le modèle « G x E » [1] a fait l’objet d’une «étude critique » dans The American Journal of Psychiatry.
Les auteurs ont réexaminé toutes les publications réalisées sur ce thème entre 2000 et 2009, soit 103 études, pour vérifier si la validité prêtée à ce nouveau paradigme G x E est toujours vérifiée, et justifie vraiment son succès croissant, ou si ses partisans s’emportent hâtivement pour proclamer sa pertinence. Et cette méta-analyse les incite à conclure que l’enthousiasme pour cette théorie est un peu exagéré, ou plutôt prématuré, car s’ils ne la remettent pas fondamentalement en question, ils estiment qu’elle se trouve entachée par un « biais de publication» fréquent : les résultats négatifs (venant contredire ce modèle) resteraient généralement inédits (negative results go unpublished) ; par conséquent, la proportion opposée des comptes-rendus positifs se trouverait mécaniquement surévaluée, puisque nombre de résultats contradictoires sont ainsi écartés d’emblée.
Pour les auteurs, même si ce modèle G x E est attesté, le fait d’écarter par principe des données négatives contribue à semer le doute sur certaines recherches au carrefour du gène et de l’environnement (G x E) en psychiatrie. Cette observation est intéressante dans la mesure où elle incite à relire les publications avec un esprit critique, un biais pouvant parfois se dissimuler là où on ne l’attend pas ! Comme le rappelle à ce propos Michel Cucherat (Service de Biostatistique et de Pharmacologie clinique, Lyon) [2], « les essais positifs sont plus facilement publiés que les négatifs
Ces travaux « peu concluants » ne font alors pas l’objet d’une publication, cette censure pouvant venir par exemple des comités de lecture ou des auteurs eux-mêmes, peu enclins à publier des résultats ne confirmant pas un a priori théorique.



Dr Alain Cohen

Duncan LE et Keller MC : A critical review of the first 10 years of candidate Gene-by-Environment Interaction research in psychiatry. Am J Psychiatry,2011; 168: 1041–1049.

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