La Psychiatrie publique à l’épreuve des murs de la prison
Date de publication : 2011 |
Docteur Daniel GLEZER
Je voudrais à mon tour remercier Catherine PAULET, de m’avoir convié à cette réunion de famille, comme disait Alain ABRIEU, qui s’est montré courageux, de parler de football dans ces temps difficiles.
Si on évoque une réunion de famille, il faut alors m’identifier au « Patriarche », avec l’inconfort de l’âge même si je crois n’avoir pas participé à la première période post- révolutionnaire dont on vient d’entendre parler.
Je vais donc rappeler les grandes étapes qui ont entouré l’ouverture du SMPR de Marseille.
C’est dans les Années 1970 que, alertées par la sursuicidité dans les geôles, toujours d’actualité, et par les rapports alarmants des experts psychiatres quant à la morbidité psychiatrique parmi les détenus, les autorités sanitaires et pénitentiaires ont envisagé, dans une circulaire conjointe, la création dans les grandes Maisons d’Arrêt de ce que l’on dénommait alors les Centres Médico-Psychologiques Régionaux.
Jusque là, les prestations et dépenses de santé, y compris Mentale, étaient assurées par l’Administration Pénitentiaire.
La Prison des Baumettes, par exemple, bénéficiait de 3 vacations hebdomadaires, confiées au regretté Henri LOEB qui, dans ces 3 ½ journées, assurait des consultations pour les 1500 à 2000 détenus de la prison.
Il disposait de locaux réduits, réunissant quelques cellules regroupées dans une aile de la prison et qui accueillaient les détenus perturbés ou mieux « perturbateurs », au point que l’Administration Pénitentiaire, sans ménagement, et avec ou sans accord « médical », les conduisait d’autorité dans cette Unité, principalement dénommée « Centre d’Observation ».
Dans ce contexte, les consultations, réalisées plutôt sous le sceau des « urgences psychiatriques », débouchaient pour l’essentiel sur des prescriptions médicamenteuses dont la gestion (commandes de psychotropes, confection et distribution des « fioles »), était, là encore, confiée à l’Administration Pénitentiaire.
A cet effet, celle-ci avait passé convention avec une pharmacie, une officine privée de proximité et elle détachait des surveillants certes pour remettre ces « fioles » aux détenus, mais aussi, et de manière plus préoccupante, pour remplir ces petites bouteilles, avec un fond aqueux où étaient regroupés, dans un magma informe, les gouttes et les comprimés prescrits : « cette fiole », ainsi conçue pour éviter toute accumulation de médicaments (à visée suicidaire ou « mercantile »), était préparée 24h à l’avance, sans que l’on ait jamais recherché, et ce fut probablement préférable, le devenir pharmacologique des psychotropes concernés, voire et plus encore leur toxicité.
Telle était donc, globalement, la situation institutionnelle des prisons Françaises lorsque Paul HIVERT et Jacques LAURANS prennent la Direction des premiers CMPR ouverts dans l’hexagone, en région parisienne, à la Maison d’Arrêt de Fresnes et de la Santé : suivront bientôt le CMPR de Rennes avec Christian POUYOLLON, le CMPR de Lyon, avec Pierre LAMOTHE, et donc le 1er Juillet 1980, le CMPR de Marseille Baumettes.
Le principe général, humaniste, consistait à suppléer l’Administration Pénitentiaire pour que soient offerts à la population pénale des soins « similaires » à ceux dont bénéficiaient, à l’extérieur, les personnes non détenues.
A cet effet, il appartenait aux hôpitaux de proximité, psychiatriques ou universitaires, de détacher, en prison, des équipes soignantes pluridisciplinaires, dont ils assumaient la gestion administrative, leur confiant, en milieu carcéral, une autonomie de fonctionnement qui nous est légitimement enviée, dans toutes les prisons Européennes que j’ai été amené à visiter avec le Conseil de l’Europe.
Pour ma part, et en marge de ces remaniements j’avais déjà désagréablement attiré l’attention par l’intérêt hautement suspect que je portais, au sein de l’équipe universitaire de Jean Marie SUTTER, à la psychiatrie légale et à la criminologie.
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