mercredi 30 mars 2011

Vous êtes fous ?!!!

Dimanche dernier, la 1ère partie de l’émission « 3d » de Stéphane Paoli (sur France Inter à midi), portait sur « La psychiatrie », sujet ô combien passionnant et, plus précisément, sur le « Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge», qui a été adopté au Conseil des Ministres du 26 janvier 2011, et va être débattu au Parlement au printemps.
Le Dr Baillon, premier de ses invités est psychiatre des hôpitaux, il travaille en équipe de secteur dans le 93 entre l’Hôpital de Ville-Evrard et le secteur de Bondy. Il est également le cofondateur de l’Association "Accueils", membre du collectif des 39 - Contre la Nuit Sécuritaire
Jean-Marie Delarue, deuxième invité, est contrôleur général des lieux de privation de liberté
Le Dr Baillon rappelait une des données relevées par Jean-Claude Ameisen (cf. son émission « sur les épaules de Darwin » le samedi matin à 11h…) : les gênes ne sont pas tout, tout ce que nous vivons laisse des traces qui vont être constamment utilisée par la suite…
Jean-Marie Delarue, relevait, lui, que la maladie mentale est assimilée à la dangerosité or c’est d’abord une détresse pour la personne.
Marc Crépon, 3ème invité, est philosophe, directeur de recherches au CNRS, il a écrit des ouvrages sur la culture de la peur.
Et se pose la question : « comment dépasser la peur pour ne pas refuser l’autre ? »
La question de l’enfermement, au cœur de cette émission, est de deux ordres :

- Il n’y a pas de sécurité sans dignité, il faut donc la sauvegarder ; c’est elle qui fait de nous des êtres humains ;

- C’est assez facile d’enfermer les gens, la difficulté c’est de sortir des lieux de privation de liberté…

Il y a des malades « comme vous et moi » qui sont hospitalisés librement et décident eux-mêmes de leur sortie.

Et il y a ceux qui sont enfermés par décision administrative sur certificat médical de deux médecins avec signature du préfet derrière.
Et il y a l’hospitalisation d’office avec décision de police.

Le problème de la sortie : c’est le préfet qui la décide… ses motivations, c’est de savoir si le malade est toujours menaçant ou pas. Et comme on a tous envie de s’abriter derrière quelque chose et que le préfet n’est pas plus fort que les autres…


La réalité fondatrice du soin est qu’il y a eu basculement de l’identité.


Quand on est dans la peur, on est à l’extérieur de la pensée de cette personne.


La loi sécuritaire au nom de la supposée sécurité de tous fabrique de l’insécurité (par l’oubli de l’humanité et du droit des malades).

Le malade est une cible, comme on en a eu successivement un certain nombre. Quand un gouvernement en place est incapable d’assurer la sécurité de la vie, il fabrique des cibles de substitution et il désigne des cibles d’insécurité et ces cibles vont être elles-mêmes dans l’insécurité.

L’esclavage, c’est le foyer de nos peurs qui tisse une toile qui finit par nous enfermer.

Le propre de la démocratie doit être de ne pas développer la culture de la peur, or quand la frontière est proche, la démocratie est fragilisée.

Par ailleurs, le rôle d’amplification des médias est important : ils ont un rôle terrible dans une société qui est une démocratie car ils sont en principe porteurs de liberté or là ils deviennent un outil d’un système qui prend pour cible des situations et instrumentalise la peur…


La culture de la peur est une culture de l’incapacité : ne pas savoir comment affronter certaines difficultés.


L’insécurité existe dans plein de domaines de la vie, mais si on choisit une cible, on exclut les autres. Chaque gouvernement se construit sa propre définition de la sécurité.


Il ne s’agit pas de diaboliser la peur, mais il faut donner aux individus l’habilitation à prendre en charge individuellement ses propres peurs. Il faut une éducation dans tous les domaines pour pouvoir mettre un peu à distance ce qui fait peur.


Il y a une contradiction entre la logique du soin et la logique sécuritaire de l’enfermement.

Avec l’enfermement quasi systématique maintenant c’est un déni d‘humanité et ça relève d’un consentement meurtrier (cf. Camus)

Pour réécouter l’émission allez sur la page France Inter et podcastez ensuite (si vous pouvez !)

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/3D-journal/

voir le site du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire et cette page qui présente la réforme et une pétition :

http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=1392

Guy Baillon : « Psychiatrie : quel accueil pour la folie » Cet ouvrage prend part au débat national sur la place faite à la psychiatrie dans le champ de l'action sociale. Il questionne la position de l'Etat, et les conséquences d'une loi sur les usagers et leur famille. Éditeur : Champ social - parution : février 2011
Guy Baillon « Les usagers au secours de la psychiatrie : la parole retrouvée » Réflexion d'un psychiatre sur la loi du 11 février 2005 accordant un nouveau statut à la parole des usagers en psychiatrie et évoquant pour la première fois la notion de "personne en situation de handicap psychique". Cette reconnaissance du handicap psychique ouvre la voie à une simplification de l'accès aux soins et à une collaboration nouvelle de la psychiatrie et de l'action sociale. Éditeur : Erès, parution : 2009

Marc Crépon "La culture de la peur – Volume 1, Démocratie, identité, sécurité" (Galilée, 2008), et "La culture de la peur – Volume 2, La guerre des civilisations" (Galilée, 2010)

L'invocation de la peur fut le privilège des régimes de terreur. Face à une exigence de plus en plus grande en matière de protection et de sécurité, la question est posée concernant la part du besoin de sécurité humaine et celle de la sécurité de l'État

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