samedi 25 décembre 2010

Toulouse : levée du mouvement de grève dans un hôpital psychiatrique
23.12.2010

Des personnels infirmiers en psychiatrie de l'hôpital Marchant de Toulouse, qui campaient depuis 66 jours devant leur établissement pour réclamer des créations de postes de soignants, ont levé jeudi leur mouvement après avoir obtenu pour partie satisfaction.
L'Agence régionale de santé (ARS) avait débloqué vendredi une enveloppe exceptionnelle de 423.000 euros, mais les infirmiers grévistes du seul syndicat SUD avaient continué à se relayer pour dormir devant l'hôpital car selon eux "l'affectation des ces ressources n'était pas encore définie selon notre priorité d'augmentation du personnel soignant".

Après une assemblée générale jeudi, les personnels grévistes qui "assuraient la continuité des soins" ont décidé "devant l'affaiblissement de la mobilisation pendant la période des fêtes" de lever leur mouvement, a indiqué Cyril Moulin, infirmier en psychiatrie de SUD-Santé.
"On est contents car la lutte paie. Maintenant on fait reposer les troupes mais on se réserve la possibilité de remonter la tente à la rentrée car nous n'avons aucune certitude quant à l'utilisation de cet argent", a-t-il ajouté.

Une intersyndicale SUD-CGT-FO-CFDT avait décidé le 18 octobre d'installer un campement devant l'entrée de l'hôpital Marchant pour réclamer des créations de postes. Seuls les infirmiers du syndicat SUD avaient par la suite prolongé le mouvement.

Jean-Paul Fauré, 67 jours dans l'attente
Aide-soignant à l'hôpital Marchant depuis près de vingt ans, Jean-Paul Fauré a été en première ligne de la grève engagée le 18 octobre par une partie du personnel pour dénoncer le manque de soignants au sein de l'établissement psychiatrique.

Très tôt, la vie lui a appris à attendre. Jean-Paul Fauré n'a que 16 ans lorsque son existence bascule puis s'immobilise à la suite d'un accident de mobylette dans son Comminges natal. Percuté par une moto le 10 août 1976, il est hospitalisé à Rangueil, la jambe droite broyée, le corps meurtri. Victime d'une infection nosocomiale, il frôle l'amputation, cumule les opérations et compte le temps qui passe jusqu'à sa sortie de l'hôpital, un an plus tard. Envolé son projet de devenir pompier à Paris, aux vestiaires son maillot d'avant-centre… Habitué à « garder le moral » et à rebondir, il joue finalement gardien dans son club, quitte Boulogne-sur-Gesse pour la Ville rose où il rejoindra plus tard le Toulouse Fontaine pour monter l'École des gardiens. Durant dix ans, il multiplie les expériences, travaille dans le bar de ses parents, place Saint-Etienne, intègre l'enseigne Midica pour laquelle, ironie du sort, il vend l'été sur le parking de l'ancien Mammouth des tentes et du matériel de jardin avant de rejoindre le service des expéditions. En parallèle, Jean-Paul Fauré « le DJ » fait tourner sa disco mobile dans les balloches du Comminges d'abord puis dans les mariages et les séminaires. Les trois-huit à l'hôpital Marchant qu'il rejoint en 1986 comme agent de service intérieur avant de suivre la formation d'aide-soignant, auront raison de Police et ZZ Top. Après vingt ans aux platines, il vient d'en passer presque autant auprès de ses patients.

Mais à 49 ans, Jean-Paul Fauré ne perd pas patience facilement. Aux côtés d'une partie du personnel de Marchant depuis le 18 octobre, le secrétaire de Sud Santé-Sociaux a gardé la sienne pour dénoncer le manque d'effectifs soignants dont souffre l'établissement psychiatrique. Un mal chronique qui a poussé un noyau dur de fonctionnaires à engager un véritable bras de fer avec la direction de l'hôpital et leur instance de tutelle, l'Agence régionale de santé. Sous la tente qu'ils ont dressée il y a 67 jours, les grévistes n'ont eu de cesse de demander le recrutement d'une cinquantaine d'aides-soignants et d'infirmiers. Raccordés à un chantier voisin depuis que la direction leur a coupé l'électricité, ils ont fait de leur abri sommaire occupé 24 heures/24 un lieu de rassemblement et d'échanges autour de leur hôpital « géré comme une entreprise » et de leurs patients de plus en plus « cachetonnés » pour pallier l'absence de personnel. Une réalité que vit quotidiennement Jean-Paul Fauré auprès de ses vingt-deux malades du pavillon de suite, dernière étape avant la sortie. « La maladie mentale est mal perçue à l'extérieur mais elle est plus dure à vivre encore pour les patients. Dans tous les services, le personnel est au minimum. C'est la qualité de soin qui est en jeu. En psychiatrie, il faut passer du temps avec les patients pour gagner leur confiance, les rassurer et les aider à s'exprimer. La confiance, ce n'est que de l'humain. Si l'on n'est pas assez nombreux, comment prendre le temps de faire un baby-foot, une partie de ping-pong ou toute autre activité qui leur permet de se poser ? Lorsqu'on amène des patients à l'extérieur, on sous-entend que c'est pour le plaisir du personnel. L'hôpital n'est plus géré par des médecins mais par des gens sortis d'écoles de commerce qui sont là pour faire des économies ! Le soin a laissé la place à l'enfermement ». Dans leur combat, les grévistes ont avancé mais sont encore « loin du compte ». Après plus de deux mois lutte, ils ont pourtant obtenu une enveloppe annuelle supplémentaire de 423 610 euros. Alors que le personnel a voté hier après-midi la levée du piquet de grève, Jean-Paul Fauré laisse poindre sa déception et promet de rester vigilant. « Si cette somme n'est pas transformée en postes de soignants, nous remonterons la tente ».



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