dimanche 17 octobre 2010


PSYCHANALYSE ET RELATION PASTORALE

Laurent Lemoine

 L'apport de la révolution psychanalytique à la théologie morale

L'auteur expose une étude sur les apports de la psychanalyse aux gens de l'Eglise, à travers l'expérience du Père Albert Plé


Pour la morale catholique traditionnelle, la découverte de l'inconscient a été un véritable ouragan. De fait, l'Église catholique s'est longtemps méfiée de la psychanalyse, sans pour autant la condamner en tant que telle. Pourtant à partir des années 1950, un dialogue commence à se nouer entre les découvertes de cette nouvelle discipline et la théologie chrétienne. Le P. Albert Plé (1909-1988), dominicain, auteur d'un livre fameux, Par devoir ou par plaisir, en fut un des pionniers.

Laurent Lemoine, directeur de la Revue d'éthique et de théologie morale – revue qui a pris la relève du Supplément de la vie spirituelle fondé par le P. Plé –, s'intéresse à la contribution de celui qui a risqué une ouverture sur «l'inédit freudien» à partir d'un ancrage anthropologique résolument thomiste.

«Il est le seul à avoir travaillé dans un souci clairement théologique, en tout cas du point de vue de la confrontation des découvertes psychanalytiques à la tradition chrétienne et à ce qu'elle a pu élaborer en termes de structuration de la vie morale du sujet, spécialement chez Thomas d'Aquin.»

Avec tout ce que cela implique sur le plan pastoral, notamment en matière d'accompagnement spirituel et de discernement vocationnel. Le P. Plé fut d'ailleurs un des fondateurs de l'Association médico-psychologique d'aide aux religieux (Amar), une association qui a longtemps œuvré pour évaluer la maturité des candidats à la vie consacrée et aider les religieux souffrant de troubles psychiques.

La confrontation entre Thomas d’Aquin et Freud a aussi des incidences en matière de morale fondamentale. Pour le P. Plé, elle permet de se dégager d'une morale qualifiée par lui de «légaliste, casuistique, théorique», et donc source de névroses. Freud, en effet, a souligné l'importance du plaisir pour une vie saine. Un plaisir, rappelle toutefois la tradition morale, doit être humanisé et évangélisé pour conduire au vrai bonheur.

L'auteur montre aussi les limites du recours à la psychanalyse dans la relation pastorale et en théologie chez ce pionnier qui a exploité le corpus freudien «quasi apologétiquement, en vue de redécouvrir l'actualité de la morale vertueuse de saint Thomas».

Il compare pour cela la posture du P. Plé à d'autres (Marc Oraison, Maurice Bellet…) et notamment à celle du jésuite Louis Beirnaert (1906-1985), cofondateur de l'Amar, plus lacanien que freudien, qui aborde de manière plus complexe la relation entre foi et psychanalyse et est plus sensible à l'expérience de la cure psychanalytique qu'à son appareil conceptuel.

En explorant les débuts du dialogue entre théologie et sciences humaines, Laurent Lemoine écrit une page importante de l'histoire de la théologie morale : celle d'une époque où l'on a découvert que le sujet moral est avant tout un sujet en devenir et que tout discours moral est lui-même contingent et historique.
DOMINIQUE GREINER

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