samedi 9 janvier 2010






Les neuroleptiques atypiques augmentent aussi le risque de mort subite


La majoration du risque de mort subite est connue de longue date avec les neuroleptiques et ce de façon dose-dépendante. On sait également que ces médicaments allongent l’intervalle QT de l’électrocardiogramme ce qui favorise les torsades de pointe et les fibrillations ventriculaires. Si ce risque a été bien identifié, il est encore très mal évalué. De même les effets rythmiques des neuroleptiques atypiques, de plus en plus prescrits, sont mal connus.

Une vaste étude épidémiologique rétrospective permet d’éclairer la question (1).

Wayne Ray et coll. se sont basés sur les données très complètes de l’assurance maladie (Medicaid) du Tennessee. Entre 1990 et 2005 ils ont pu isoler deux cohortes de patients âgés de 30 à 74 ans ayant pris un neuroleptique unique, typique dans 44 218 cas et atypique dans 46 089 observations. Les sujets à haut risque de décès d’autres causes ont été exclus de l’étude. Ces deux cohortes ont été comparées à 186 600 témoins appariés par l’âge et le sexe ne prenant pas de neuroleptiques. Parallèlement, des sous cohortes de sujets ayant pris des neuroleptiques pour des pathologies non psychotiques (troubles de l’humeur notamment) ont été constituées (pour éliminer les effets qui auraient pu être liés à la psychose elle-même) et comparées à des témoins appariés.
Les morts subites ont été identifiées à partir des certificats de décès.

Une multiplication du risque de mort subite par près de 3 avec les fortes doses

Il est apparu que l’incidence ajustée des morts subites était multipliée par 1,99 (intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 1,68 et 2,34) chez les utilisateurs de neuroleptiques classiques par rapport aux témoins et par 2,26 (IC95 entre 1,88 et 2,72) avec les neuroleptiques atypiques.

Compte tenu de la méthodologie rétrospective de cette étude on ne peut éliminer formellement l’intervention de facteurs de confusion, d’autres causes de troubles du rythme pouvant être associés aux pathologies mentales traités par les neuroleptiques.

Plusieurs éléments tirés de cette étude permettent cependant de penser que cette majoration du risque correspond bien à une réalité et non à des facteurs de confusion :
- Divers ajustements ont été pratiqués avec des facteurs de risque connus de troubles du rythme et notamment le tabagisme.
- Avec les deux types de neuroleptiques le risque est apparu dose-dépendant (la multiplication de l’incidence des morts subites est par exemple de 1,59 avec les faibles posologies de neuroleptiques atypiques contre 2,86 avec les doses les plus élevées).
- Des résultats similaires ont été observés chez les sujets prenant des neuroleptiques pour d’autres indications qu’une psychose.
- Les anciens utilisateurs de neuroleptiques avaient un risque de mort subite équivalent à celui de population générale (incidence multipliée par 1,13 avec un IC 95 entre 0,98 et 1,30). Cette dernière constatation est en faveur d’une action immédiate des neuroleptiques et rend peu vraisemblable une augmentation du risque de mort subite qui ne serait que la conséquence indirecte de troubles métaboliques induits par ces médicaments.

Des précautions à prendre

On peut donc conclure que la prise de neuroleptiques atypiques comme celle d’antipsychotiques classiques accroît significativement le risque de mort subite. Le mécanisme le plus vraisemblable ferait intervenir des troubles du rythme ventriculaires probablement par l’intermédiaire d’un blocage des canaux potassiques.

L’éditorialiste du New England Journal of Medicine souligne que ce risque de mort subite mesuré par Ray et coll. est loin d’être négligeable en valeur absolue puisqu’il serait de 3,3 pour 1 000 et par an chez les utilisateurs de fortes doses de neuroleptiques (par comparaison 0,2 décès par an par agranulocytose sont attribués à la clozapine pour 1 000 patients traités ce qui justifie des précautions d’emploi très strictes) (2). En pratique, l’éditorialiste recommande une surveillance systématique de l’intervalle QT chez les patients sous neuroleptiques classiques ou atypiques. Lorsque le QT est prolongé, les autres causes d’allongement de QT doivent être recherchées et traitées si possible et une réduction de la posologie ou un arrêt du traitement devrait être envisagé (ce qui n’est pas toujours réalisable facilement !). De plus selon lui, ce risque de mort subite doit conduire à limiter strictement la prescription aux indications indiscutables et en particulier à ne pas l’étendre aux sujets âgés souffrant de démence pour lesquels les preuves d’efficacité sont très limitées.
Dr Nicolas Chabert

1) Ray W et coll. : Atypical antipsychotic drugs and the risk of sudden death. N Engl J Med 2009; 360: 225-235. 2) Schneeweiss S et coll.: Antipsychotic agents and sudden cardiac. How should we manage the risk ? N Engl J Med 2009; 360: 294-96.


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