dimanche 3 janvier 2010





La psychose freudienne : L'invention psychanalytique de la psychose







La psychose freudienne :
L'invention psychanalytique
de la psychose
Thierry Vincent
Éditeur : Erès
199 pages / 21,85 €


Résumé : Le Dr Thierry Vincent explore pour nous les traits d'esquisse, tracés par Freud et ses disciples, ayant permis de dessiner une approche psychanalytique de la psychose.
Alice DESCHENAU

Le psychiatre et psychanalyste Thierry Vincent nous propose un ouvrage audacieux, réédité cette année (première édition en 1995), sur l'abord de la psychose dans la psychanalyse, discipline nouvellement élaborée par Freud et ses disciples.

Thierry Vincent décrit tout d'abord l'appréhension de la psychose, tant dans la théorie et la nosologie que dans la clinique, par la psychiatrie européenne de la fin du XIXème siècle à la moitié du XXème. Il choisit, pour cela, Charcot, Kraepelin, Bleuler, Janet, Ey et Clérambault. Cette première partie permet de préciser dans quel contexte émerge la pensée freudienne au sein de la psychiatrie de l'époque.

Une fois placé dans ce contexte historique, l'auteur expose les éléments théoriques développés par Freud sur la psychose au fur et à mesure qu'il construit ses modèles psychanalytiques. Si la réflexion de Freud débute avec l'hystérie, il aborde rapidement la psychose. Dès la fin du XIXème siècle, la paranoïa prend place parmi les psychonévroses de défense avec son mécanisme défensif de projection. Mais la théorie libidinale dans la paranoïa finit par être distinguée de celle des autres névroses et apparaît l'idée d'un auto-érotisme.

Suite aux concepts qu'il élabore sur le rêve et l'interprétation, Freud voit dans le délire une continuité de ce qu'il a étudié dans les névroses. Il compare rêve et délire comme provenant d'une même source : le refoulé. Le délire n'est plus une défense mais un combat contre des représentations insupportables. La question thérapeutique émerge : comment dès lors sortir du délire, comment le transfert peut-il s'opérer, car il requiert du thérapeute la possibilité d'être objet de la libido?
C'est finalement hors de la rencontre avec le patient, que Freud poursuit son travail sur la psychose, avec son essai sur le cas Schreber, basé uniquement sur les écrits de ce dernier. De ce cas, naît une description de l'ontogenèse et du mécanisme de la paranoïa qui nourrira la description de la psychose dans son ensemble. Dans la psychose, la libido est anobjectale. Elle régresse à des stades de développement antérieurs à ceux des névroses (celui de la démence précoce précédant celui de la paranoïa). La paranoïa se caractérise par un repli libidinal sur soi et le fantasme homosexuel d'origine narcissique. Le délire est une tentative de guérison, un moyen de lutter contre le retour du refoulé et de survire au retrait objectal.

Le développement du concept de narcissisme avec l'apparition des pulsions du moi, voit se confirmer la distinction entre les névroses dites de transfert (hystérie et névrose obsessionnelle) et névroses narcissiques (paranoïa et démence précoce). Les premières utilisent des substituts érotiques investis comme tels et ont refoulé la représentation de mot attachée à l'objet. Les secondes multiplient les substituts à un objet et ont aboli l'objet pour lui substituer le mot. Ces réflexions se poursuivent avec la définition du narcissisme primaire et d'idéal du moi qui a un rôle de conscience morale. La régression libidinale de la psychose est caractérisée par un processus de narcissisme secondaire qui vient dévoiler ce moi idéal comme un double implacable. Ce processus se manifeste par les mécanismes hallucinatoires de voix qui commentent à la troisième personne.
La théorie du narcissisme est également suivie du célèbre texte Deuil et Mélancolie. La mélancolie est expliquée par un retrait de la libido sur le moi en même tant qu'une identification s'opère avec l'objet incorporé. Le moi est écrasé par l'objet et subit sa propre colère, marque de l'ambivalence des relations d'amour envers l'objet.


Avec la création de la deuxième topique (moi/surmoi/ça) et les discussions sur le déni de la réalité dans la psychose, Freud procède à un remaniement nosographique, distinguant névroses de transfert (conflit moi/ça), névrose narcissique correspondant à la mélancolie (conflit moi/surmoi) et psychose (conflit moi/monde extérieur). Néanmoins dans la psychose, le moi ne se détache pas complètement de la réalité, ce que Freud explique par un processus de clivage du moi.
Ainsi la conception de la psychose dans la théorie psychanalytique freudienne s'appuie surtout sur les concepts issus de l'étude des pathologies névrotiques. En retour, elle aura toujours interrogé les limites de ces théories pour participer de leur évolution. La psychose a ceci de particulier que la psychanalyse de Freud ne peut l'appréhender que dans la théorie, perdant alors sa dimension thérapeutique ; une perte que Freud ne se résout pas à accepter, malgré ses propres déclarations à ce propos. Rappelons que Freud, exerçant en cabinet, était rarement amené à recevoir des patients psychotiques. Il s'est d'ailleurs beaucoup appuyé sur des textes écrits pour alimenter ses réflexions théoriques sur le sujet.
Titre du livre : La psychose freudienne : L'invention psychanalytique de la psychose
Auteur : Thierry Vincent
Éditeur : Erès
Collection : Hypothèses
Date de publication : 20/08/09


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