La résistance de la psychiatrie s’amplifie
Par ERIC FAVEREAU
Beau succès, samedi, pour le collectif contre la «nuit sécuritaire», à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Ils étaient plus d’un millier - psys, infirmiers, magistrats, malades, associatifs - à venir écouter et participer au débat pour une psychiatrie «hospitalière», loin des mesures sécuritaires (Libération de samedi). «Arrêtons les plaintes, résistons. La folie, c’est ce qui nous interroge. Vouloir la détruire ou l’éradiquer, c’est une folie», a dit avec force le docteur Roger Ferreri. «Vous nous avez invités, mais on se rencontre peu, on a parfois l’impression de ne pas être sur la même planète», a lancé une patiente, militante d’Advocacy, un groupe d’usagers en santé mentale. Le psychiatre Hervé Bokobza, coordonnateur de la «nuit sécuritaire», a conclu : «Depuis notre création, il y a un an, quelque chose se passe. Un mouvement est en train de naître. Il est là parce que nos syndicats, nos sociétés savantes sont défaillantes. Ce qu’il va être ? A nous de le construire.» Et de proposer que tout le monde porte un signe, un badge de reconnaissance. Comme un premier pas de résistance partagée.
É.F.
Psychanalyse et déprise sociale
[dimanche 29 novembre 2009]
Situations subjectives
de déprise sociale
Jacques-Alain Miller
(sous la direction de)
Éditeur : Navarin
14 €
Résumé : Voici un ouvrage qui présente des cas cliniques où la déprise sociale serait au cœur de la problématique, mais dont les discussions y font peu référence.
Sébastien VAUMORON
Le livre
"Situations subjectives de déprise sociale" est donc le titre de cet ouvrage qui propose la transcription de la présentation de cas cliniques lus et discutés lors des "Conversation 2008" de l’Ecole de la Cause Freudienne. Cette Conversation 2008 fait suite à des réunions de travail en région, avec principalement les membres des ACF. La première partie de l’ouvrage présente ainsi des cas cliniques, et la seconde les discussions qui ont suivi lors de ces Conversations 2008.
L’expression
Jacques-Alain Miller, animateur de ces conversations, précise que cette "expression" de déprise sociale a été adoptée par le Conseil d’Administration de l’UFORCA en 2007-2008 pour qu’elle puisse "à la fois être entendue dans le langage courant et interprétée de façon diverses". A cela, il précise que ce syntagme commence à agglomérer un certain nombre de significations. Par ailleurs, il rattache cette expression à Jacques Lacan qui a écrit que "le lien social ne s’instaure que de s’ancrer dans la façon dont le langage se situe et s’imprime, se situe sur ce qui grouille, à savoir l’être parlant".
Lors de sa communication, Uberto Zuccardi Merli nous donne sa définition de la déprise sociale : "Le syntagme déprise sociale est une notion clinique qui réunit des traits essentiels du symptôme contemporain : pousse à la jouissance sans limites, chaos identificatoire, absence de père – tant symbolique que réel –, rejet de l’autorité, extrême difficulté à créer un lien, un transfert avec un sujet supposé savoir. …/… La déprise sociale est liée à l’excès, qui, lui, dérive de la prise de l’Autre maternel sur le sujet. A la force de l’emprise maternelle, correspond la déprise dans le champ social".
Ainsi, la déprise sociale est donc une "notion clinique" et non sociologique. Et en effet, ces conversations sont principalement des analyses de cas cliniques, sans perspective sociologique ou anthropologique. Là où la psychanalyse voit des situations de déprise sociale, la sociologie verrait des situations où au moins l’un des quatre liens sociaux (lien de filiation, lien de participation élective, lien de participation organique, lien de citoyenneté) est, pourrait-on dire, en pleine prise. Paradoxe, contradiction, complémentarité… ?
Les cas.
Après la lecture de ces sept cas cliniques, et non pas six comme annoncé dans la quatrième de couverture , le titre du livre interroge : à qui appartient cette subjectivité énoncée sur la déprise sociale ? A la personne dont on raconte la vie, ou bien au psychanalyste qui choisit d’en faire le récit sous cet angle et d'y voir une déprise sociale là où le sociologue ne serait peut-être pas aussi catégorique ?
Aussi, comme le syntagme de déprise sociale n’est pas clairement définit et qu’il est quelque chose qui permet d’agglomérer des significations diverses, cela permet aux discussions de quitter le social pour revenir à la clinique, certes avec pertinence et intérêt pour le lecteur, mais souvent sans grande proximité avec le social.
Car ces cas présentés ici ne racontent pas l’histoire de personnes sans domicile fixe, sans abri ou sans emploi. Ce ne sont pas des gens qui auraient lâché prise avec la société, des gens marginaux… Non, ce sont des personnes salariées, étudiantes, célibataires ou mariées qui, hors du fauteuil ou du divan du cabinet du psychanalyste, semblent mener une vie en prise avec le social malgré quelques aménagements ou difficultés particulières, que ce soit ponctuellement ou de façon stable. Serait-ce là cette déprise sociale dont il est question ?
Titre du livre : Situations subjectives de déprise sociale
Auteur : Jacques-Alain Miller (sous la direction de)
Éditeur : Navarin
Collection : La Bibliothèque lacanienne
Date de publication : 09/07/09
N° ISBN : 2916124055
Les Livres de Psychanalyse
mercredi 14 octobre 2009
Problèmes posés à la psychanalyse
Charles Melman
Sortie le : 15/10/2009
Editeur : Erès
Prix : 12 €
Que signifie « prendre au sérieux la psychanalyse » ? Certainement pas en attendre des injonctions ou des commandements, comme le laisse penser la plupart des médias.
Dans ce séminaire, Charles Melman s'attache à répondre à cette question. Pour ce faire, il porte l'accent sur la question de l'altérité et rapproche au fil des leçons - ce qui pourrait sembler loufoque - féminité, corps, langue des maîtres et organisation sociale.
À tout le moins, l'altérité articule les différents aspects de l'enseignement de Charles Melman : l'attention à l'actualité, la question de savoir comment hériter de Lacan, la nécessité de l'invention clinique, la lecture des problèmes politiques.
Publié par dm
A votre santé
parAnne Jeanblanc
Publié le 02/12/2009
Les psychiatres contre le bracelet électronique chez les malades psychiatriques
Les psychiatres s'opposent au port du bracelet électronique chez les patients psychiatriques, selon 400 spécialistes issus des secteurs de la psychiatrie et de la justice réunis mardi à Lille, pour la deuxième journée "Psychiatrie et justice". Les effets psychologiques et les risques de ce dispositif y ont été exposés. Et pourtant, l'utilisation d'un "dispositif de géolocalisation" pour surveiller et éviter la fugue de malades considérés comme potentiellement dangereux a été prônée en décembre dernier par le président de la République, Nicolas Sarkozy.
"Tous les psychiatres sont contre. Nous avons présenté à l'Élysée un argumentaire contre cette mesure", déclare le Dr Paul Bonnan, du centre hospitalier de Cadillac-sur-Garonne en Gironde. "Nous n'avons pas reçu de réponse formelle, mais il n'en est plus question dans les discussions que nous avons eues avec le cabinet de la ministre de la Santé". Cependant, par prudence, les arguments prouvant l'inadéquation de la mesure à la psychiatrie continuent d'être mis en avant. Après le soulagement de sortir ou de ne pas aller en prison, le port du bracelet électronique dans la population pénale ordinaire provoque un "malaise important", voire des troubles psychologiques, a rapporté la présidente de l'Association nationale des juges d'application des peines, Martine Lebrun, au vu des expériences étrangères (essentiellement aux États-Unis et au Royaume-Uni). Aucune étude n'a été menée en France, où seuls quelques indicateurs sont disponibles.
Le bracelet statique - activé uniquement au domicile, pour vérifier la présence de la personne aux heures fixées par le juge d'application des peines ou lors d'une assignation à résidence - est de loin le plus répandu en France avec 40.000 personnes concernées depuis 2002, dont environ 16.000 en 2009. Il déclenche une alarme en cas d'absence de signal et un appel à la personne pour savoir où elle se trouve. Comme le bracelet mobile, avec GPS pour "géolocaliser la personne", il serait "difficile à supporter au-delà de quatre à six mois", souligne Martine Lebrun. Selon les spécialistes, sa présence permanente peut provoquer "des angoisses massives, une dépersonnalisation, une transformation de l'image corporelle" - déjà perturbée chez les malades - et aussi "un risque d'automutilation" pour se débarrasser du bracelet.
Les Livres de Psychanalyse
jeudi 29 octobre 2009
De René Magritte à Francis Bacon : psychanalyse du regard
Maurice Corcos
Paru le : 28/10/2009
Editeur : PUF
Prix : 35 €
Francis Bacon, ou l'histoire d'un amour fou entre un fils et son père meurtrier, nous rappelle deux choses : le corps est la source des émotions et de l'inconscient, et les affects et les représentations qui leur sont liés sont le chaînon manquant entre corps et psyché.
Bacon est le peintre de la démoniaque dysharmonie entre la nuit et le jour. René Magritte, ou une autre histoire d'amour fou entre un fils et sa mère suicidée, nous apprend ceci : une vie qui n'a pas été rythmée dans l'enfance ne rime à rien, c'est une chanson froide et lisse qui ne chante pas. Magritte est le peintre de l'affable agonie. Il s'agit ici pour une grande part de déterminer la nature de l'encre utilisée par Bacon et Magritte pour engendrer leurs œuvres, deux artistes que tout oppose dans leur vie et dans leur création, mais qui auraient eu peut-être tant à se dire si le hasard avait pu leur organiser une rencontre.
En aucun cas une pathobiographie, cet essai se veut le témoignage de la force de l'art quand il permet d'éclairer, sous la lumière sensible de l'affect, l'expérience des souffrances identitaires, et d'ajouter quelques réflexions sur l'exploration de la conscience et de l'inconscient en faisant émerger les liens entre le rêve, le souvenir, le délire et la création.