samedi 1 juin 2024

Décryptage Congé parental : les contours d’une réforme «essentielle» mais toujours critiquée

par Coppélia Piccolo   publié le 15 mai 2024

Le gouvernement débute ce mercredi 15 mai des concertations en vue d’une future réforme du congé parental, qui doit être mise en place en août 2025. Ce nouveau «congé de naissance» vise à rémunérer davantage les parents sur une période écourtée.

Le congé parental aux prémices d’une restructuration en profondeur. Le gouvernement va lancer, ce mercredi 15 mai, une concertation entre syndicats, patronat et associations autour d’un nouveau dispositif voulu par Emmanuel Macron. Ce «congé de naissance» pourrait bientôt remplacer l’actuel droit au congé accordé aux parents salariés, qui permet d’interrompre temporairement leur travail.

La proposition s’inscrit au cœur du dessein présidentiel d’un «réarmement démographique». Tous les contours du dispositif vont être revus, de sa durée à son indemnisation. Sans pour autant répondre à toutes les demandes des associations et des syndicats. Libé fait le point.

Comment fonctionne le système actuel et pourquoi est-il jugé insuffisant ?

Le congé parental est ouvert, dans le privé, à tout salarié ayant au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise et donne droit à un forfait mensuel de 448 euros. Il peut être sollicité à la suite des congés maternité et paternité. Les employeurs ne sont pas en mesure de le refuser. Deux modalités existent : un congé total, durant lequel le contrat de travail est interrompu, ou un travail à temps partiel, avec au moins 16 heures par semaine. Ce mécanisme s’étale sur une période d’un an, et peut être renouvelé à deux reprises, soit jusqu’aux 3 ans de l’enfant. A son terme, le salarié doit réintégrer son poste.

Mais nombre d’études ont dressé un constat d’échec du système actuel. «Le montant d’indemnisation actuelle est même moins élevé que le RSA [dont le montant minimal pour une personne seule avec un enfant s’élève à 800 euros mensuels, ndlr]. Une réforme était essentielle», explique Myriam Lebkiri, secrétaire confédérale de la CGT, chargée des questions liées à l’égalité femme homme.

Au-delà d’un système largement considéré comme sous-rétribué, le congé parental est «un système qui éloigne les femmes du marché du travail, puisqu’elles ont des difficultés à retrouver une place au même niveau de responsabilité dans l’entreprise après des semaines de congé. C’est notamment à cause de cette même raison que les pères ne sont pas enclins à recourir à ce mécanisme», tranche Patrick Chrétien, vice-président de Familles de France. L’association sera présente lors des concertations par le biais de l’Unaf, l’Union nationale des associations familiales.

Nombre d’études ont dressé ce même constat d’échec. Selon les travaux de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 0,8 % des pères ont fait appel au congé parental en 2021, contre 14 % des mères. Plus largement, alors que les parents étaient près de 500 000 à y avoir recours en 2013, ils étaient seulement 290 000 en 2021, soit seulement 13 % des parents d’un enfant de moins de 3 ans.

«La durée [du congé parental] est longue. Cela éloigne les femmes, souvent les plus précaires, de l’emploi. J’ajoute que le recours à cette aide s’est effondré, ce qui témoigne de la nécessité d’une réforme telle qu’annoncée par le président de la République», soulignait Sarah El Haïry, la ministre déléguée chargée des Familles, dans une interview accordée à la Tribune Dimanche le 12 mai. Sa volonté : proposer un mécanisme plus court, mais mieux rémunéré.

En quoi va consister ce nouveau «congé de naissance» ?

Dans un entretien au magazine Elle, le Président a précisé les grands axes de ce nouveau dispositif : «Trois mois pour les mères, trois mois pour les pères, cumulables durant la première année de l’enfant, et indemnisés à hauteur de 50 % du salaire.» Le plafond de cette indemnisation est fixé à 1 900 euros. Une fois le congé de naissance adopté, chaque parent pourra donc bénéficier de trois mois de congé. Selon Sarah El Haïry, ce congé pourra être pris simultanément par les deux parents, ou tour à tour.

Dans le détail, ce nouveau congé de naissance viendra en complément, et non en remplacement, des congés maternité et paternité existants, indemnisés quant à eux à 100 %. Ils sont respectivement de 16 semaines (jusqu’au deuxième enfant) et de 25 jours. Au total, congés maternité et congé de naissance additionnés, les mères pourraient ainsi rester au côté de leur enfant, de manière rémunérée, près de six mois.

Ce nouveau mécanisme devrait être présenté à l’Assemblée nationale en octobre prochain, puis être entériné dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, précise Sarah El Haïry. Pour une entrée en vigueur d’ici à août 2025, espère de son côté Emmanuel Macron.

Quelles sont les critiques formulées à son égard ?

Même si les paramètres de ce nouveau congé restent flous et doivent «encore être discutés», l’Unaf s’est félicitée de ce mécanisme, «un bon point de départ pour que les jeunes parents soient vraiment accompagnés pendant la première année de leur enfant».

D’autres associations sont au contraire plus critiques, comme Familles de France. «La longueur de ce nouveau congé, trois mois pour la maman, trois mois pour le papa, c’est extrêmement court. Les trois années possibles avec le système actuel étaient beaucoup plus adaptées, puisque la présence d’un des parents auprès de l’enfant pendant les mille premiers jours est essentielle», déplore Patrick Chrétien. Il émet par ailleurs des réserves quant à un «système rigide» qui ne permet pas «aux familles de s’organiser en fonction de leurs besoins», mais qui les oblige à poser ces congés parentaux sur la première année de l’enfant. L’association Familles rurales, également conviée aux concertations, n’adhère pas non plus à cette réforme «peu ambitieuse».

Myriam Lebkiri s’inquiète, elle, d’une «marche arrière» opérée par le gouvernement. Cette «mesure uniquement budgétaire» reviendrait sur «des droits aujourd’hui accordés». Elle s’interroge : «Le congé de naissance permettrait d’être auprès de son enfant, tout cumulé, moins d’un an. Contre trois ans aujourd’hui. Le changement est brutal. Pendant ces deux ans de battement, qui va garder les enfants jusqu’à la scolarisation ?» La dirigeante syndicale poursuit en évoquant une «situation de crise» dans les services de la petite enfance. «Il y a à la fois un déficit en termes de places d’accueil disponibles, mais aussi une pénurie de personnels. Le risque, s’il n’y a pas de mode de garde adapté, c’est d’assigner les mères à résidence pour garder leurs enfants»,ajoute-t-elle.

De son côté, l’association Parents et féministes déplore que «la promesse d’un congé plus court et mieux indemnisé se transforme en congé beaucoup plus court et moins mal indemnisé». Elsa Foucraut, membre de l’organisation, ajoute : «On constate que la demande principale des associations féministes d’étendre la durée du congé de paternité n’a pas été entendue. Le gouvernement assume de maintenir un modèle qui fabrique et entretient, dès la naissance, l’inégalité des responsabilités parentales.»


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