mercredi 15 mai 2024

Sécurité sociale alimentaire en Gironde : le socialiste Jean-Luc Gleyze, un président qui aime les expérimentations

par Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux  publié le 25 avril 2024

A la tête du département aquitain depuis 2015, l’élu socialiste est convaincu que l’urgence sociétale et planétaire oblige les collectivités à «inventer de nouvelles solutions» qui associent la parole citoyenne et la recherche.

Un revenu de base pour les plus jeunes, un congé menstruel et ménopause pour les personnes travaillant au département, un revenu de solidarité agricole ou une sécurité sociale de l’alimentation… Qu’il échoue ou qu’il réussisse, face à la précarité grandissante ou au péril écologique, le conseil départemental de la Gironde multiplie les expérimentations en tout genre depuis dix ans, le plus souvent en tête de file. Au point de l’avoir érigé en méthode. «Quand j’ai été élu en 2015, j’ai proposé que l’innovation et l’expérimentation soient une voie que creuse systématiquement le département. Je le répète encore aujourd’hui, il faut oser se tromper et surtout oser réussir pour faire avancer les choses», pose d’emblée Jean-Luc Gleyze, le président socialiste de cette collectivité fixée à gauche depuis 1976 (mis à part une parenthèse RPR entre 1985 et 1988). Une prise de risque «nécessaire» pour cet élu de 61 ans, convaincu que l’urgence sociétale et planétaire oblige les collectivités à «inventer de nouvelles solutions beaucoup plus rapidement que par le passé». A condition d’y associer la parole citoyenne et la recherche.

Le sexagénaire, fils d’ouvriers d’une cité dans le Sud-Gironde, a l’attachement au service public chevillé au corps. Réputé pour son «opiniâtreté», mais de «tempérament discret», Jean-Luc Gleyze ne se destinait pourtant pas au monde politique. Il commence comme agent administratif en mairie, puis gravi les échelons jusqu’à devenir en 2004, conseiller général du canton de Captieux, le moins peuplé du département, avec six communes et 2 300 habitants. «Honnêtement, on m’y a poussé. J’ai mis quatre mois avant de me décider à me présenter, car je ne me sentais pas légitime», retrace le Girondin, toujours resté à l’écart des joutes internes au Parti socialiste. Dix ans plus tard, il devient maire de Captieux durant un an puis est élu en 2015 président du département sous la casquette socialiste, succédant à l’indéboulonnable Philippe Madrelle.

«Quitte à ce que ça ne fonctionne pas»

Au cours de son premier mandat, il se fait remarquer en lançant l’idée d’un revenu de base universel pour les plus jeunes. Il entraîne avec lui une vingtaine de départements socialistes. Si la proposition n’est finalement pas retenue, elle provoque un important débat public. «Beaucoup d’idées, oui, mais rien qui n’aboutisse véritablement», raillent en coulisse plusieurs opposants. «Contrairement à ce que fait l’Etat, qui expérimente et généralise avant d’avoir évalué, nous, nous préférons expérimenter puis évaluer, pour ensuite imaginer une généralisation. Quitte à ce que ça ne fonctionne pas», rétorque Jean-Luc Gleyze. Las d’entendre parler d’innovation «uniquement de façon technologique ou industrielle», il espère démontrer, avec le département, que «l’expérimentation peut aussi être sociale et sociétale».

«Un exemple d’expérimentation qui me tient particulièrement à cœur et qui illustre bien notre démarche au quotidien, est celui de “Gironde inclusive”, que nous portons depuis 2018», souligne le socialiste, réélu en 2021. Afin de les impliquer davantage, la collectivité a proposé à 200 personnes en situation de handicap de contribuer à l’écriture d’une nouvelle feuille de route pour la période 2022-2025. «C’est une première en France, assure-t-il. La conception du projet n’est pas écrite par les élus, ni par les services, mais bien par les principaux concernés.»

«Une erreur d’approche fondamentale»

Dernier sujet de conflit avec l’Etat, le département s’est opposé publiquement à la suppression de l’allocation de solidarité spécifique et au conditionnement du Revenu de solidarité active (RSA) voulu par le gouvernement Attal. «Faire culpabiliser les gens quand ils n’ont pas d’emploi au lieu de les accompagner est à mon sens une erreur d’approche fondamentale», affirme Gleyze, qui appelle plutôt à une «responsabilité collective» et «plus de justice sociale». Ses équipes planchent actuellement sur un revenu d’autonomie, sanctuarisant, à l’inverse, l’inconditionnalité, l’accompagnement et la garantie d’un travail «digne».


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