mercredi 15 mai 2024

Les enfants ont droit à une vie privée, n’en déplaise au gouvernement




Par  Julia Vergely   Publié le 24 avril 2024

L’enfant est une personne. Est-il utile de le rappeler ? L’enfant est une personne. Est-il utile de le rappeler ?  Photo Chau-Cuong Lê/Hans Lucas


La Convention internationale des droits de l’enfant et le Code civil sont clairs : les mineurs ont droit au respect de leur espace privé. Ce qui n’empêche pas la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté de souffler sur les braises.

Jeudi dernier, Gabriel Attal fêtait ses cent jours à Matignon en prônant un « sursaut d’autorité » face à un « glissement d’une partie de notre jeunesse » vers une « violence sans règle », déroulant une litanie de mesures répressives envers les enfants et les « parents défaillants » – sans en discuter la faisabilité, ni les moyens alloués. Depuis, plusieurs ministres font le service après-vente sur les plateaux. Mardi matin, Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la Ville et de la Citoyenneté, était l’invitée de France 2. Elle a exhorté les parents à « reprendre confiance » en eux et a remis en cause, très largement et sans vergogne, le droit des enfants à une vie privée. « Parents, l’autorité, c’est vous ! […] Ce qui me frappe, c’est de penser qu’un adolescent a une vie privée. Un adolescent est un mineur, donc les parents ont le droit de fouiller dans le téléphone, de chercher quelque chose dans la chambre. » Et d’ajouter : « Moi, non seulement je surveille [ma fille adolescente], non seulement je me mêle, non seulement je protège et non seulement je sanctionne s’il y a un problème… Ce qui est dingue, c’est qu’on a voulu démissionner les parents en disant : attention, [les enfants] ont le droit à avoir leur vie privée. Non ! »

Or, il faut le réaffirmer : si, les enfants ont bel et bien droit à une vie privée ! Deux textes garantissent cette notion, essentielle, bien que difficile à définir, voire à concevoir pour les adultes. Une ministre devrait le savoir. D’abord l’article 16 de la Convention internationale des droits de l’enfant (ratifiée par la France en 1989), qui est on ne peut plus clair : « Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. » Ensuite, l’article du Code civil définissant l’autorité parentale appelle à garantir la protection d’un enfant « dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ».

Devoir parental

Le droit des enfants à une vie privée avait d’ailleurs été l’objet du rapportannuel de la défenseuse des droits, Claire Hédon, et du défenseur des enfants, Éric Delemar, en 2022. On y lisait que si la protection des enfants est un devoir parental, il ne saurait prévaloir face au respect de la pudeur et d’un espace à soi. « Reconnaître aux enfants leur droit à la vie privée, c’est les considérer comme sujets, sans méconnaître leur statut d’enfant à protéger et à émanciper. » Éric Delemar rappelait, à raison, que l’absence de vie privée peut être une source de violence. « On considère rarement que les enfants ont droit à une vie privée. Sans doute les adultes ont-ils peur que cela veuille dire liberté à tous crins. Mais il s’agit simplement d’avoir un espace à soi, pour développer son imaginaire et se créer une identité propre, confiait-il à Télérama. Si les parents sont tenus d’assurer la sécurité, la santé, l’éducation et l’épanouissement de leurs enfants, cette autorité parentale a pour finalité l’intérêt de l’enfant : elle doit s’exercer sans violence physique ou psychologique. » Le gouvernement n’est visiblement pas tout à fait au point sur ce dernier élément.

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