jeudi 4 avril 2024

Quels souvenirs garde-t-on du séjour en maternité ?

Darons daronnes


Vous est-il déjà arrivé de découvrir, retranscrite noir sur blanc dans un livre, une émotion si intime que vous pensiez être seule au monde à l’avoir ressentie ? C’est ce que j’ai vécu en lisant, dans le recueil Etre mère (L’Iconoclaste, 176 pages, 18 euros, en librairie le 4 avril), le court texte de l’écrivaine Camille Anseaume. Pour cet ouvrage, l’autrice Julia Kerninon a demandé à six consœurs de partager des récits autour de la maternité. Camille Anseaume y évoque ses séjours à l’hôpital pour accoucher en ces termes : « La maternité – le lieu, pas l’état – est mon endroit de villégiature favori. J’envisage les séjours à la maternité comme des voyages, en préparant mon sac je dois me retenir d’y glisser de la crème solaire et des mots croisés. » Elle ajoute ensuite, en songeant au fait qu’elle n’aura plus d’enfant : « Plus jamais les chocolats chauds au petit déjeuner, plus jamais les repas au lit, plus jamais les documentaires animaliers. Plus jamais mon mec qui dort sur un matelas à mes pieds. Plus jamais le ravissement d’une purée tiède et insipide après des heures sans manger, ni la sonnette d’alarme qui donne une réponse à toutes mes angoisses. Plus jamais l’odeur de l’eau dynamisante de Clarins dans une chambre plongée dans la pénombre, à l’aube, après une douche, la première depuis l’accouchement. »

Rien que de recopier ces quelques lignes, les larmes me montent aux yeux. Je pourrais ajouter à cet inventaire ma propre liste de fétichismes hospitaliers : la sensation des draps rêches de l’AP-HP ; le couloir, de nuit, mes pieds nus sur le lino, avec ma cadette hurlante dans les bras ; la photocopie racornie d’un tableau manuscrit sur lequel noter les tétées, les urines et les selles du bébé ; le lit baquet à roulettes du nouveau-né ; les passages à heures fixes d’infirmières et de sages-femmes. J’ai même pris en photo l’intégralité de ma chambre d’hôpital après mon troisième accouchement, douche et lavabo compris, pour ne pas oublier.

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