mercredi 10 avril 2024

Programme Fin de vie : le gouvernement prévoit une «stratégie décennale» pour les soins palliatifs

par Nathalie Raulin  publié le 8 avril 2024

Une «stratégie décennale» des soins palliatifs sera présentée mercredi 10 avril en Conseil des ministres. Un milliard d’euros supplémentaires seront consacrés au financement des soins d’accompagnement sur dix ans.

C’est un aperçu complet du «modèle français de la fin de vie» promis par Emmanuel Macron le 3 avril 2023 à l’issue de la Convention citoyenne qui va atterrir mercredi sur la table du Conseil des ministres. Passage obligé avant sa transmission au Parlement, le projet de loi sur l’aide à mourir, dont Emmanuel Macron a dévoilé les grandes lignes dans un entretien à Libération et la Croixest attendu au menu. Mais ce n’est pas tout. Une «communication» détaillée sur la «stratégie décennale des soins d’accompagnement pour le renforcement des soins palliatifs» est également au programme. Façon pour le gouvernement de rappeler qu‘il s’agit bien là, conformément à l’engagement du chef de l’Etat, du «premier pilier» de la réponse apportée aux malades en fin de vie. Et partant de désamorcer les critiques des soignants de soins palliatifs, heurtés qu’on songe à dépénaliser l’aide à mourir sans leur avoir donné au préalable les moyens d’accompagner les agonisants dans de bonnes conditions.

L’exécutif met le paquet pour les détromper. «Il s’agit de rehausser les moyens et l’organisation de ces soins pour tous les acteurs tous les patients sur tout le territoire», a convenu la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, dans un entretien au Monde. C’est qu’en matière de fin de vie, la France a un sérieux retard. Selon la Cour des comptes, 190 000 personnes sont chaque année prises en charge en soins palliatifs, seulement la moitié de celles qui en auraient besoin. Pour les enfants condamnés, le constat est plus navrant encore : seul un tiers bénéficie d’une prise en charge pédiatrique palliative. Et le pire est à venir : d’ici à 2034, les projections font état d’une hausse de 16% de la population concernée par une prise en charge palliative, soit 250 000 personnes…

Structures hybrides

Pour redresser la barre, l’exécutif desserre les cordons de sa bourse. Macron l’avait annoncé dans son entretien à Libération et la Croix : 1,1 milliard d’euros supplémentaires seront consacrés sur dix ans au financement des soins d’accompagnement, soit 100 millions de plus chaque année. De quoi porter à 2,7 milliards d’euros les crédits accordés aux soins palliatifs en 2034. Même s’il est en deçà des attentes des professionnels des soins palliatifs, l’effort budgétaire est non négligeable.

Catherine Vautrin est déjà à pied d’œuvre. Si 20 départements ne disposent aujourd’hui d’aucune unité de soins palliatifs, ils ne seront plus que 9 fin 2024, et tous en seront pourvus fin 2025, promet-elle. En outre, les capacités d’hospitalisation à domicile devraient être sensiblement accrues dès cette année.

Néanmoins, la stratégie décennale se veut autrement plus ambitieuse. Faisant siennes les recommandations du rapport remis en décembre par le professeur Franck Chauvin, le gouvernement adopte une approche plus globale et plus précoce de la fin de vie. Son ambition ? Pouvoir proposer aux malades atteints de pathologies incurables une prise en charge par une filière de soin spécifique dès le diagnostic posé. Toutes les étapes de la prise en charge sont repensées. Ainsi, des patients gravement atteints ne pouvant ou ne souhaitant plus vivre chez eux mais ne nécessitant pas d’hospitalisation, ainsi que leur proche aidant, pourraient à l’avenir être accueillis dans des «maisons d’accompagnement». Le gouvernement espère pouvoir soutenir la création d’une dizaine de ces structures hybrides entre l’hôpital et le domicile en 2025 et le double en 2026.

Créer une spécialité universitaire

Pour mener à bien cette petite révolution, encore faut-il disposer de ressources médicales et soignantes pour l’heure introuvables. Consciente du bug, Catherine Vautrin avance sa solution : il s’agit créer une spécialité universitaire «médecine palliative et d’accompagnement» lisible et attractive pour que des étudiants s’y engagent. Dès cette année, un premier professeur des universités praticien hospitalier devrait être recruté à ce titre. A partir de 2025, une vingtaine de postes d’universitaires titulaires et de chefs de cliniques spécialisés dans les soins d’accompagnement devraient être ouverts tous les ans jusqu’en 2034. En parallèle, un effort sera consenti en matière de formation continue des soignants de sorte à renforcer la présence de professionnels en soins palliatifs dans les Ehpad, un tiers de ces établissements ne disposant d’aucun recours en soins palliatifs. D’ici à 2034, le gouvernement promet quinze équipes mobiles supplémentaires de soins palliatifs et 6 000 postes spécifiquement dédiés à l’accompagnement de la fin de vie dans les Ehpad. Un rêve pour les équipes de soins palliatifs qui réclament dans le désert depuis des années des renforts. Le défaut de la cuirasse ne leur a toutefois pas échappé : la stratégie décennale enjambe le quinquennat…


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