lundi 8 avril 2024

Parkinson : une étude chez l’homme suggère l’effet protecteur d’un antidiabétique

Par    Publié le 03 avril 2024

D’après un essai clinique mené chez 156 patients par un réseau d’hôpitaux français, un antidiabétique de la famille des analogues du GLP-1 semble freiner, au bout d’un an, la perte des neurones qui produisent la dopamine dans le cerveau.

Parviendra-t-on, à terme, à freiner l’évolution de la maladie de Parkinson, la deuxième affection neurodégénérative – elle touche plus de 167 000 personnes en France, où 25 000 nouveaux diagnostics sont posés chaque année – la plus fréquente après Alzheimer ? C’est l’espoir ouvert par une étude menée chez des patients par le réseau NS-Park des centres experts Parkinson français, publiée le 3 avril dans le New England Journal of Medicine (NEJM).

Cet espoir repose sur une molécule loin d’être attendue dans cette affection neurologique : un antidiabétique de la famille des analogues du GLP-1, dont fait partie l’Ozempic (sémaglutide), plus connu pour son mésusage à des fins de perte de poids que pour son indication d’origine, le diabète de type 2. Le GLP-1, rappelons-le, est une hormone qui contrôle le taux de glucose dans le sang et réduit l’appétit. Sécrétée par des cellules de l’intestin en réponse à la prise d’aliments, elle stimule la production d’insuline par les cellules du pancréas. Ses analogues sont donc des armes de choix contre le diabète de type 2, lié à un déficit de la production ou du fonctionnement de l’insuline.

Selon l’essai préliminaire publié dans le NEJM, un médicament de cette famille, le lixisénatide, pourrait aussi ralentir la progression de la maladie de Parkinson. Il a été évalué chez 156 patients âgés de 40 à 76 ans (moyenne d’âge, 60 ans), tous diagnostiqués depuis moins de trois ans. Tous étaient déjà traités par la L-Dopa ou ses équivalents : disponibles depuis cinquante ans, ces médicaments anti-Parkinson visent à pallier le manque de dopamine, ce neurotransmetteur qui permet à certains neurones de communiquer dans le cerveau.

Un potentiel « traitement transformateur »

La maladie de Parkinson, en effet, est liée à la dégénérescence progressive des neurones qui produisent la dopamine dans une structure profonde du cerveau, la substance noire, impliquée dans la coordination des mouvements volontaires. D’où les déficits moteurs des patients : rigidité, tremblements, lenteur des mouvements. En corrigeant la carence en dopamine, la L-Dopa atténue leurs symptômes moteurs. « Mais elle ne s’attaque pas à la cause de la maladie, et ne parvient pas à enrayer l’aggravation des symptômes au fil des ans », explique Olivier Rascol, neuropharmacologue au CHU de Toulouse. C’est lui qui, avec Wassilios Meissner, neurologue au CHU de Bordeaux, a coordonné cet essai clinique, mené dans 21 des 27 centres experts français. Quant à l’antidiabétique, il a été fourni gratuitement par le laboratoire Sanofi qui le commercialise dans certains pays.

Les 156 patients de l’essai ont été répartis au hasard en deux groupes : la moitié a reçu un placebo, l’autre moitié, le lixisénatide. Ces traitements ont été administrés par des injections sous-cutanées quotidiennes, sans que ni les patients ni les médecins sachent à quel groupe ils appartenaient.

Après douze mois de traitement, les neurologues ont évalué les symptômes moteurs des malades, mesurant un score qui s’étend de 0 (pas de handicap) à 132 (incapacité totale). Résultat : alors qu’au début de l’étude ce score était d’environ 15 dans les deux groupes (patients peu gênés au quotidien), il n’avait pas progressé dans le groupe sous lixisénatide, alors qu’il s’était aggravé de 3 points dans le groupe sous placebo. « Concrètement, les patients de ce groupe avaient plus de mal à marcher ou à se lever d’une chaise ou plus de tremblements, par exemple », explique Wassilios Meissner.

Deux mois après l’arrêt du traitement par l’antidiabétique, la différence en sa faveur persistait. « L’interprétation la plus plausible est que la perte des neurones dopaminergiques a été plus faible chez les patients ayant reçu le lixisénatide que chez ceux ayant reçu le placebo, témoignant d’un effet neuroprotecteur du médicament », écrivent les auteurs. En 2017 déjà, un essai mené chez 62 patients, au Royaume-Uni, suggérait un effet favorable d’un autre analogue du GLP-1, l’exénatide.

« L’importance de ce résultat ne réside pas tant dans l’ampleur du changement que dans ce qu’il laisse espérer, souligne David Standaert, neurologue à l’université de l’Alabama (Etats-Unis), dans un éditorial. Si une différence de trois points du score moteur est le maximum atteignable avec le lixisénatide, alors l’intérêt de ce médicament devrait être limité (…). En revanche, si son bénéfice est cumulatif, permettant d’éviter une dégradation de trois points supplémentaires chaque année sur une période de cinq à dix ans ou plus, il pourrait s’agir d’un traitement véritablement transformateur. »

« Si cet arrêt de la progression se maintenait dans le temps, ce serait très intéressant », renchérit Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes, qui a participé à cet essai conduit, comme il le souligne, par des structures académiques et non par les industriels qui commercialisent ces antidiabétiques, peu intéressés par le marché supplémentaire lié à cette maladie neurologique.

Un faisceau d’arguments

Pour autant, cet antidiabétique a été associé à des effets secondaires digestifs : des nausées chez 46 % des participants, et des vomissements chez 13 %. « La dose quotidienne initiale prévue dans l’étude était de 20 microgrammes, par analogie avec la dose recommandée pour traiter le diabète, précise Olivier Rascol. Tous les patients ont d’abord reçu cette dose, mais chez un tiers d’entre eux, nous l’avons réduite de moitié en raison d’un inconfort digestif. » Très peu ont interrompu l’essai avant la fin.

De fait, l’espoir que suscite cette famille d’antidiabétiques est étayé par un faisceau d’arguments qui suggèrent un dysfonctionnement du circuit de l’insuline dans Parkinson. Des arguments épidémiologiques, d’abord. Ainsi, les patients atteints de diabète de type 2 semblent avoir un risque accru – de 30 % à 40 % selon les études – de développer une maladie de Parkinson au cours de leur vie – même si, heureusement, ce ne sera pas le cas pour tous. Autre indice : les patients diabétiques de type 2 traités par un analogue de GLP-1 semblent avoir un risque réduit de 25 % à 50 % de développer une maladie de Parkinson, par rapport aux patients recevant d’autres antidiabétiques.

Autre constat à l’appui de cette thèse : « En 2021, nous avons observé, dans les neurones dopaminergiques de cerveaux post mortem provenant de patients atteints de Parkinson, une anomalie moléculaire qui témoigne d’une résistance à l’insuline », rapporte Wassilios Meissner. Car l’insuline exerce aussi une action méconnue… dans le cerveau, où ellecontribue à la régulation de la survie des neurones. En cas de dysfonctionnement, elle participerait à la mort des neurones. En parallèle, divers modèles de la maladie de Parkinson, chez la souris, confortent cette idée, montrant également un effet neuroprotecteur des analogues du GLP-1.

« Cette étude révèle l’intérêt potentiel de cet antidiabétique dans la maladie de Parkinson, estime Marie Fuzzati, directrice scientifique de l’association France Parkinson, mais il ne faudrait pas que les patients s’imaginent qu’il sera disponible de sitôt pour eux. » Prochaines étapes : évaluer son impact chez plus de patients et sur une plus longue durée.


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